Fonction publique : le statut des fonctionnaires "n'a pas arrêté d'être attaqué", estime son créateur, Anicet Le Pors

July 05, 2023
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Ce statut "s'inscrit en conflit avec la logique marchande qui domine la vie économique et plus généralement la vie des sociétés", selon l'ancien ministre.

Anicet Le Pors (au centre), à Paris, le 29 février 1984. ( AFP / GEORGES BENDRIHEM )

C'est lui qui, sous François Mitterrand, est à l'origine du statut général de la fonction publique. Après quarante ans d'existence, le statut moderne des fonctionnaires "n'a pas arrêté d'être attaqué", estime Anicet Le Pors,mercredi 5 juillet dans un entretien à l' AFP .

"Le fait d'être attaqué, pour le statut général des fonctionnaires, est un état normal", insiste l'ancien ministre de la Fonction publique de François Mitterrand (1981-1984), qui cosigne mercredi une tribune défendant le statut de fonctionnaire. "Comme c'est un instrument majeur de poursuite de l'intérêt général , il s'inscrit en conflit avec la logique marchande qui domine la vie économique et plus généralement la vie des sociétés", juge auprès de l' AFP l'ancien responsable communiste.

Après de premières ébauches de statut en 1946 et en 1959, la loi du 13 juillet 1983 a gravé dans le marbre une série de droits, rapelle Anicet Le Pors, aujourd'hui âgé de 92 ans. "Par exemple, le droit de grève n'était pas dans le statut du fonctionnaire !" s'exclame-t-il. "La mobilité a été érigée au rang de garantie fondamentale, le droit à la négociation des syndicats a été inscrit dans le statut", comme "le droit à la formation initiale et continue".

La loi de 1983 "contient la définition du fonctionnaire et tout ce qui est commun aux fonctionnaires" hospitaliers, territoriaux et de l'État , résume Anicet Le Pors. Elle a surtout étendu le statut aux agents des collectivités et des hôpitaux et établissements de recherche. De quoi faire exploser les effectifs du secteur public, aujourd'hui composé de 5,7 millions d'agents dont 22% de contractuels , au statut moins protecteur que celui de fonctionnaire.

Selon l'administration, les effectifs de contractuels ont augmenté en moyenne de 3% chaque année entre 2011 et 2021, là où le nombre de fonctionnaires, dont le déroulement de carrière et les progressions salariales sont garantis, est resté stable d'une année sur l'autre. Mais Anicet Le Pors l'assure, la tribune publiée mercredi ne révèle pas une "opposition de principe" à l'emploi contractuel. "Il y a toujours eu des contractuels dans la fonction publique", reconnaît-il.

La problématique des contractuels

"Simplement, on tient à ce que les emplois permanents de la fonction publique fassent l'objet d'un recrutement par voie de concours, basé sur le mérite." Or "les contractuels sont circonscrits par définition à une relation bilatérale entre l'administration et un individu pour la réalisation d'un projet ou d'une mission, pendant un temps déterminé".

"Pendant des décennies, on a recruté des contractuels et puis quand il y en avait beaucoup, on finissait par les titulariser", rappelle Anicet Le Pors. Une pratique moins courante aujourd'hui, même si l'actuel ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini a affirmé en octobre 2022 que le recours aux contractuels n'avait pour lui rien d'"idéologique". "S'il y a des recours au contrat et à l'intérim, c'est souvent parce que nous n'arrivons pas à recruter et à titulariser", se défendait-il alors à l'occasion d'une audition à l'Assemblée nationale.

Les employeurs publics sont en effet confrontés depuis plusieurs années à de sérieux problèmes de recrutement, que les syndicats attribuent notamment à la faiblesse des rémunérations. Le traitement des fonctionnaires a de fait été quasiment gelé entre 2010 et 2022 . Dans les années 1980, les négociations salariales étaient "une sorte de grand-messe d'une durée de trois mois (...) et ça imprégnait bien au-delà de la fonction publique", raconte Anicet Le Pors.

"Les grandes entreprises étaient très attentives à ce qu'il se passait dans les négociations salariales de la fonction publique", poursuit-il. "Les syndicats faisaient des demandes, on n'avait des réponses que partielles. Ils en rendaient compte à leurs mandants et revenaient en disant qu'ils avaient consulté, qu'il fallait plus. On lâchait un peu plus et puis le truc recommençait, et ça durait trois mois", sourit l'ancien membre du gouvernement.

Mi-juin, la dernière réunion salariale entre gouvernement et syndicats de fonctionnaires qui a abouti à une hausse des traitements de 1,5% "a duré trois heures", déplore-t-il, même si les discussions étaient engagées depuis plusieurs semaines.

Source: Boursorama