"Elle balançait son bébé au-dessus du balcon": les policiers municipaux de Nice racontent leur quotidien

July 06, 2023
348 views

Elle balançait son bébé au-dessus du balcon ». C’était une patrouille ordinaire dans les rues de Nice. Des hurlements s’échappent d’un appartement. Cyril (1) lève les yeux: un tout-petit au-dessus du vide et une maman au regard vide.

Le policier municipal grimpe à toute allure. Il s’approche doucement, accroche le regard de la mère en crise, les yeux dans les yeux, contact. "Sauver une vie, ça se joue en quelques secondes". Ne pas la perdre, qu’elle passe à l’acte. L’enfant oscille toujours entre le balcon et la rue dix mètres plus bas. La mère oscille toujours entre amour et folie. Cyril pèse ses mots, ses gestes. " La négociation a duré longtemps. C’était une femme qui souffrait d’une pathologie psy et qui n’avait pas pris son traitement. Le père du bébé était en prison. Elle ne parlait presque pas. Au bout d’un moment, elle m’a jeté l’enfant dans les bras". Sain et sauf. " J’avais gagné", sourit l’agent de 35 ans, ancien policier national passé à la PM (2) il y a neuf ans.

"Le petit allait bien"

Il témoigne, raconte, comme quatre autres collègues, sa mission, son engagement, son quotidien. Tous ont suivi la formation dispensée par Eric Estève, ex-patron de l’antenne niçoise du Raid, pour apprendre les techniques en cas de situation critique.

Des situations de détresse au bout du bout, de vie ou de mort, ils en gèrent tous les jours et toutes les nuits.

Ils étaient là aussi le 14 juillet 2016. Robert, ancien militaire qui a rejoint les rangs niçois il y a 12 ans, n’oubliera jamais une autre maman: "Elle était enceinte. Son ventre était en sang". Il a mis ses mains comme un pansement sur la blessure pour empêcher qu’elle ne se déchire, ses paumes en contact avec le petit cœur qui devait absolument continuer à battre. Il a géré l’arrivée d’un hélicoptère, elle est partie avec les médecins au milieu de cette nuit d’horreur. Lui, a poursuivi sa mission de secours: d’autres blessés, d’autres douleurs. Des années plus tard, alors qu’il sécurisait le Carnaval, une dame lui a posé une question. Elle ne l’avait pas reconnu. Mais lui a entendu sa voix. C’était elle. Il lui a demandé: " Comment va le bébé?". "Elle a été surprise, puis elle a compris. Le petit allait bien", raconte Robert.

"Il faut sans cesse s’adapter"

Les interventions ne sont pas toujours aussi extrêmes. Mais toutes racontent quelque chose, il n’y a pas de routine. Le quotidien de la police municipale de Nice "est à l’image de la société qui s’est fracturée avec le Covid, avec les difficultés financières de plus en plus importantes pour les gens. Nous sommes la police de proximité, la police de la voie publique. Nous prenons le contexte et l’agressivité montante de face. Notre travail, c’est le tout-venant, l’imprévisible", détaille la cheffe de service, Nathalie.

Ce peut être " un jeune qui se tire une balle dans la tête et sa maman qui pleure dans nos bras", des gamins - de plus en plus nombreux, "qui font n’importe quoi", "une vieille dame qu’on aide à traverser". Mais aussi, comme l’a vécu le jeune agent Julia, "une mémé qui veut sauter par la fenêtre qu’il faut convaincre de continuer à vivre et qui, une fois à l’hôpital, ne veut pas parler au médecin mais qu’à vous parce que vous avez créé un lien". Et puis, des réfugiés paumés, des SDF en perdition, des embrouilles, des bagarres, l’alcool, les stupéfiants, énumère la responsable. Qui complète: " Il y a ce qu’on nous a appris à l’école et le terrain qui est parfois tout autre chose. Il faut sans cesse s’adapter.".

1.Les prénoms ont été modifiés.

2.PM: police municipale

Source: Nice matin