" Il y a un côté provoc’ assumé " : pourquoi le nouveau livre de Bruno Le Maire fait jaser
Samedi, Bruno Le Maire a dû monter au front : l’agence de notation Fitch ayant décidé corriger sa notation de la France en l’abaissant, le ministre de l’Économie s’est ému face aux médias d’une « appréciation pessimiste (…) quant aux perspectives de croissance de la France et de la trajectoire de sa dette », promettant que la France allait poursuivre ses « réformes structurantes ».
Dimanche matin, c’est le prix Goncourt de 2018 Nicolas Mathieu qui a, à sa façon, corrigé le patron de Bercy. Le Maire a sorti son deuxième roman cette semaine, « Fugue américaine », consacré au pianiste Vladimir Horowitz. Et un court extrait érotique a fait lever plus d’un sourcil. Dans son livre, le ministre de l’Économie fait raconter - à la première personne - à l’un de ses personnages ses ébats avec une dénommée Julia : « Elle me tournait le dos ; elle se jetait sur le lit ; elle me montrait le renflement brun de son anus : Tu viens Oskar ? Je suis dilatée comme jamais. »
Si Nicolas Mathieu s’est refusé à accabler « l’ouvrage ministériel », car « quel morceau de cette nature ne semblerait pas ridicule tiré de son contexte, pris isolément », l’écrivain en a proposé une réécriture de son cru publiée sur Instagram, observant que « ça aurait pu s’écrire autrement ».
« Un ministre qui écrit avec un certain talent, ça a son charme »
« Est-ce que dans un temps où les Français ont des gros soucis sur l’inflation (…), est-ce qu’on devrait avoir une minute, une heure, une semaine de son temps à consacrer à un livre avec des passages érotiques ? » a interrogé, de son côté, le député (LFI) de la Somme, François Ruffin, invité de l’émission BFM politique en partenariat avec Le Parisien-Aujourd’hui en France.
« Un ministre qui écrit avec un certain talent, ça a son charme. On a nos joies, nos peines et nos excitations et c’est tant mieux ! » l’a défendu Olivia Grégoire, interrogée sur le sujet sur France Inter. « Ça fait partie de la vie ! » a poursuivi la ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce et du Tourisme, s’estimant « ravie que les ministres aient un équilibre personnel et des passions privées. Je trouve ça sain ».
Celui qui est aussi son ministre de tutelle avait déjà fait glousser le petit milieu politique dans un précédent livre en 2004, alors qu’il racontait une scène intime avec sa femme lors d’un voyage à Venise.
« Écrire, ça ne me choque pas en soi, c’est un beau talent, nous confie par ailleurs un autre de ses collègues du gouvernement. Mais il y a un côté provoc’ assumé : à la fois les passages érotiques et le fait de sortir un roman alors que ça exaspère le président. » À l’automne 2021, le Canard Enchaîné avait rapporté des propos du locataire de l’Élysée, lequel se serait passablement agacé que plusieurs membres du gouvernement se retrouvent en librairie. « Mais les Français vont finir par se dire que les ministres ne foutent rien et qu’ils passent leur temps à écrire des livres », écrivait alors le Canard.
« Personne ne peut affirmer qu’il n’est pas pleinement à la tâche »
Jeudi, Bruno Le Maire, dont c’est le cinquième ouvrage depuis son arrivée à Bercy en 2017, avait tenu à apporter une précision sur le sujet, expliquant qu’il était « dédié au service des Français », mais veillait en même temps à son « équilibre personnel ». « Certains vont dans les musées, les cinémas, les salles de concert, les stades de foot. D’autres jardinent ou font de la randonnée. En ce qui me concerne, j’écris. La littérature me permet de m’évader de la vie quotidienne, de prendre du recul et de penser autrement », justifiait ainsi le ministre sur Twitter.
« On a le droit de critiquer notre travail au ministère, mais que ce soit lors du Covid, de la crise de l’énergie, des retraites… Personne ne peut affirmer qu’il n’est pas pleinement à la tâche », renchérit son entourage, rappelant que Le Maire aurait mis « cinq ans à l’écrire » et que « les critiques littéraires sont très bonnes ».
Source: Le Parisien