Bruce Springsteen, le retour des jours glorieux
Par François Bourboulon
Publié le 30 avr. 2023 à 11:58 Mis à jour le 30 avr. 2023 à 16:51
À la sortie du Funiculaire de Montjuïc, inutile de chercher le chemin d'Estadi Olímpic Lluís Companys : il suffit de suivre la cohorte de tee-shirts arborant le nom ou le visage de Bruce Springsteen. Son concert, le premier de la tournée européenne 2023 du Boss, ne démarrera que dans quatre heures, à 21 heures (horaire bien tardif pour les septuagénaires du E-Street Band). Mais ils sont déjà plusieurs milliers à s'approcher du stade.
Springsteen n'a plus joué en Europe depuis 2016 - la tournée attendue en 2020 a été cruellement annulée, Covid -, et lui et son management ont fait le choix symbolique de reprendre le fil à Barcelone, pour deux soirées offertes à un public qui dispute à ceux de Milan ou Rome le titre de « best audience in the world » dans l'imaginaire springsteenien. Son premier rendez-vous ici a eu lieu en avril 1981, au Palacio de los Deportes, et depuis lors, il a joué 18 fois dans la deuxième ville du pays (les médias locaux se plaisant à rappeler qu'il n'a joué « que » 11 fois à Madrid).
« Bien briefé sur les Catalans », comme le souligne une connaisseuse des particularismes locaux, il ne manque pas d'ouvrir le show par un tonitruant « Holà Barcelona, holà Catalunya », qui déclenche une gigantesque ovation montée d'un public chauffé par les heures d'attente et de cerveza. Les 55.000 personnes présentes sur la colline de Montjuïc se font entendre de toute la ville et peut-être jusqu'à la capitale espagnole…
Bruce Springsteen a lancé son barnum le 1er février, à Tampa, pour une première partie tournée américaine et se produira 31 fois en Europe, dont deux dates à Paris, à la Défense Arena (13 et 15 mai, quelques places supplémentaires viennent d'être mises en vente dans les premiers rangs, la configuration de la scène ayant été modifiée). D'un stade à l'autre, en passant par quelques salles géantes et Hyde Park, les 18 musiciens sur scène (l'habituel E-Street Band, des cuivres, des choeurs et un percussionniste) offrent un concert assez similaire chaque soir, à 3 ou 4 morceaux près.
Un changement notable par rapport aux précédentes tournées, où la « setlist » pouvait évoluer considérablement d'un show à l'autre, sous la baguette d'un artiste qui sait pouvoir compter sur ses grognards, capables d'exécuter au claquement de doigts n'importe lequel des centaines de titres du répertoire maison, qu'ils soient signés Springsteen ou d'autres artistes.
Deux heures cinquante chrono
Abandonnée aussi - temporairement ? - la pratique de la chanson surprise, choisie par le Boss à partir de pancartes brandies par les spectateurs des premiers rangs. Les fans barcelonais s'y sont bien essayés, sans succès. Springsteen juge peut-être son groupe encore rouillé par plusieurs années d'arrêt de la scène même si l'énergie est encore là, en tout cas sur scène.
Pour la première de Barcelone, les spectateurs en ont eu pour leur argent et leur dévouement, comme toujours lors d'un concert de Bruce Springsteen : 2 h 50 de show sans aucune interruption, 28 morceaux selon le très sérieux Setlist.fm. Une première (« Human Touch », jamais jouée encore sur cette tournée), une absence (« Rosalita », épique romance durant laquelle Springsteen fait le clown sur scène avec son guitariste Stevie Van Zandt), et quelques surprises, comme « Mary's Place » ou le morceau folk « Pay Me My Money Down ». Et bien sûr, un volcanique « Born in the USA » en début de rappel, très rarement joué lors des concerts américains et qui a fait basculer le public dans un délire total que « Born to Run », « Glory Days », Bobby Jean » et « Dancing in the Dark » ont joyeusement entretenu.
No retreat, no surrender
Le message est clair, pour cette année en tout cas : « No retreat, no surrender », comme le chante Springsteen en ouverture de tous les concerts de cette tournée mondiale. Pour son retour en Europe, devant son cher public catalan, Bruce Springsteen a en tout cas créé l'événement, servi par un son monstrueux mais parfait (les techniciens locaux ont fixé la barre très haute pour les autres dates européennes…). À défaut d'être historique - le groupe a déjà délivré des milliers de performances grandioses - , ce concert de Barcelone a permis à Bruce Springsteen de marquer les esprits, et pas seulement parce que des VIP prestigieux sont venus en profiter aux côtés de milliers d'anonymes.
Invités spéciaux du Boss, Barack et Michelle Obama, ainsi que Steven Spielberg et sa femme, l'actrice Kate Capshaw, étaient là. Et comme chaque concert de Bruce Springsteen est tout à la fois un événement populaire, une cérémonie rituelle et une réunion de potes, Michelle Obama et Kate Capshaw sont montées sur scène en compagnie de Patti Scialfa, la femme du Boss, pour faire les choeurs et jouer du tambourine sur « Glory Days ». Ces jours glorieux que des milliers de fans célèbrent à chaque fois qu'ils assistent à un concert de Springsteen.
En concert en France, à Nanterre La Défense Arena, les 13 et 15 mai.
Source: Les Échos