Le Tour de France à l'épreuve du réchauffement climatique

July 07, 2023
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C'est une image que les suiveurs n'ont pas manqué de noter. Depuis le départ du Tour de France à Bilbao, Tadej Pogacar a une nouvelle habitude : celle de se plonger sitôt l'étape terminée dans un bain froid spécialement prévu pour lui dans le coffre d'une camionnette aux couleurs de son équipe UAE. Le but évident : faire descendre sa température corporelle et favoriser la récupération. Avec le réchauffement climatique qui menace aussi le Tour de France, est-ce une pratique appelée à se démocratiser ?

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Sans être tout à fait clémente, la météo n'a pas encore atteint les extrêmes de 2022 quand le Tour de France avait vu le mercure flirter avec les 45 degrés, notamment sur la 15e étape entre Rodez et Carcassonne. Ceci avait contraint les organisateurs à prendre des mesures, notamment celle de refroidir la chaussée pour diminuer la température ressentie par le peloton. Avec un réchauffement climatique désormais bien enclenché, les équipes tentent d'adapter les corps de leurs coureurs.

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"Thermo-training room", bain chaud et sauna

Plus il fait chaud et plus pédaler est difficile. L'évidence a cruellement été rappelée à tous sur les derniers championnats de France que seuls 23 des 130 coureurs au départ ont achevé. En cause, la double action d'un parcours difficile et de températures très, très élevées. C'est pourquoi, s'adapter à des standards qui ne vont pas manquer de grimper dans les années à venir est devenu une obligation pour tout coureur du Tour de France, course la plus difficile au monde disputée au cœur de l'été français.

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"En ayant les bonnes techniques, on va apprendre à l'organisme à mieux tolérer la chaleur, lance Frédéric Grappe, directeur de la performance de la Groupama-FDJ. On peut le faire sur le terrain quand l'environnement le permet (comme à Teide sur l'île de Tenerife où de nombreuses équipes vont en stage au mois de mai, ndlr) ou en chambre chaude, les 'thermo-training room', dans lesquelles on peut régler la température". Voilà pour la partie "active".

Au repos, se plonger dans un bain chaud après l'effort ou multiplier les séances de sauna, habitue aussi le corps à des températures agressives. C'est la voie choisie par les Groupama-FDJ dont David Gaudu et Valentin Madouas, qui en ont installé un à la maison, ou Thibaut Pinot dès 2022. Toutes ces techniques tendent à activer plus vite les réactions du corps sous une forte chaleur pour faire baisser la température interne.

Des gélules intelligentes

"Il y a quelques années, nos coureurs ingéraient des gélules qui nous permettaient de mesurer leur température en temps réel, renseigne Jacky Maillot, médecin de la Groupama-FDJ. On s'était aperçu que dès qu'on avoisinait 40 degrés, le corps se mettait en sécurité et le cerveau envoyait un message aux muscles : arrêtez l'effort."

David Gaudu et Romain Bardet à l'arrivée à Cauterets. Crédit: Getty Images

Bien se préparer à la chaleur peut aider mais en course, gérer son effort est vital. "Aux 'France', notre stratégie était de lisser le plus possible l'effort, de monter le moins possible en intensité. D'autres coureurs ont payé les intensités fortes", rappelle Frédéric Grappe. A Cassel, le rôle de ce dernier était de faire passer eau et surtout glaçons aux coureurs pour les refroidir. Sur le Tour de France 2022, les équipes débutaient les étapes les plus chaudes avec près de 60 kilos de glace embarqués.

Jusqu'où pourra-t-on s'adapter ? Jusqu'où les anciennes techniques permettront de juguler les effets de la chaleur sur les corps ? Contrôler la déshydratation des siens est évidemment clé. Dès les premiers signes de celle-ci, la durée pendant laquelle un coureur peur évoluer à son meilleur niveau dans un col peut diminuer de 20%. A l'heure du cyclisme au millimètre, ceci fait une énorme différence... De plus en plus rigoureuses, les différentes stratégies toucheront un jour leurs limites sans que l'on sache vraiment quand. Tout dépendra du réchauffement climatique et de sa vitesse.

Il faudra se poser la question mais il ne faut pas attendre qu'on soit dans ces environnements-là

Et si celui-ci obligeait à repenser le Tour de France ? Plus grande épreuve du monde, disputée donc sur un rythme fou et avec les meilleurs coureurs du peloton, celui-ci allie intensité et température chaude, cocktail potentiellement dangereux pour la santé… et le spectacle.

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"Il y aura certainement une réflexion à avoir au niveau médical, avoue Jacky Maillot. Il faudrait peut-être déplacer le Tour sur un autre mois mais ce sera très, très compliqué ou avoir… moins de difficulté." Un avis partagé par son collègue chez Groupama-FDJ, Frédéric Grappe : "Plus il fera chaud, moins vous aurez de course. On l'oublie trop souvent, ce sont des humains, il y a des mécanismes de protection de l'organisme. On en attend trop, ils font ce qu'ils peuvent." Plus le mercure grimpera, plus les limites seront logiquement atteintes tôt et plus il faudra y faire attention.

Alors, le Tour de France est-il sous la menace du réchauffement climatique ? Grappe toujours : "Je pense qu'il faudra se poser la question mais il ne faut pas attendre qu'on soit dans ces environnements-là. Il faudra faire des études parce qu'il ne faudra pas faire n'importe quoi. Qu'on soit prêt à agir car sinon ça ne ressemblera plus à rien. Peut-être qu'il faudra décaler certaines courses et se dire peut-être que certains jours on ne courra pas." Difficile à imaginer aujourd'hui et pourtant, ce futur-là est sans doute à envisager.

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Source: Eurosport FR