Permis à 17 ans : une annonce en demi-teinte pour les assureurs
"Je vous confirme qu'à partir de janvier 2024, on pourra passer le permis de conduire à partir de 17 ans et conduire à partir de 17 ans." Élisabeth Borne annonce sur Brut l'abaissement de l'âge pour passer le permis de conduire. pic.twitter.com/EdwLpf6gEh
Prévue pour janvier 2024, la mesure annoncée le 20 juin par Élisabeth Borne est une « opportunité », reconnaît Nathalie Ciornei, directrice générale adjointe du groupe Matmut. Une opportunité « qu’il faut maîtriser et encadrer », tempère-t-elle dans la foulée.
Actuellement, un jeune en conduite accompagnée peut déjà passer le permis B à 17 ans, mais n’a le droit de prendre le volant par lui-même que le jour de ses 18 ans. Ce seuil sera donc abaissé d’un an.
Ce qui ne sera pas sans conséquence pour un secteur où les professionnels préfèrent, au chiffre d’affaires, l’équilibre technique, veillant surtout à ce que le montant des primes collectées reste supérieur au coût des sinistres. Or, les jeunes conducteurs, inexpérimentés, sont impliqués dans davantage d’accidents que leurs aînés, au point de ne pas être rentables pour les assureurs.
Les accidents graves, le samedi soir par exemple, sont une réalité. Mais « l’élément le plus significatif reste la fréquence des sinistres n’impliquant souvent que des réparations de carrosserie », analyse Yann Arnaud, directeur de l’innovation au sein de Macif.
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Pari sur l’avenir
Les compagnies d’assurances savent cependant voir au-delà du court terme. « Elles se disent que finalement, être le premier assureur peut avoir un intérêt dans les 5, 10 ou 15 ans qui suivent », lorsque ces nouveaux clients « deviendront des risques plus acceptables », relevait, début juin, Patrick Degiovanni, directeur général adjoint de Pacifica, filiale du groupe Crédit Agricole. « À condition que d’autres ne viennent pas nous les braconner », nuance Yann Arnaud, qui souhaite que les parts de marché des futurs nouveaux assurés soient contrôlées par une autorité indépendante pour être sûr que chaque assureur « prenne sa part ».
« C’est notre produit d’appel »
Mais il faut faire avec, pour les spécialistes de l’assurance comme la Matmut. « C’est notre produit d’appel, notre produit phare », souligne Nathalie Ciornei, qui compte trois millions de contrats d’assurance automobile. « Il y a quand même des faisceaux de présomption qui nous permettent d’assurer des jeunes qui conduisent bien », reprend-elle, à l’image de la puissance du véhicule ou du passage par une conduite accompagnée.
Et d’insister sur la formation, la prévention, voire le déploiement de boîtiers embarqués dans les véhicules pour suivre la vitesse, le style de conduite, etc., « dès lors que cette approche est pédagogique et vertueuse en termes de sécurité ».
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1 255 € par an en moyenne
Même si la mutualisation joue en assurance automobile comme sur d’autres produits, les jeunes conducteurs s’acquittent d’une prime bien plus élevée que leurs aînés, en plus du prix du permis de conduire et du véhicule, à un moment de la vie où ils ont peu, voire pas de revenus. « L’an dernier, les 18-25 ans devaient payer une cotisation moyenne de 1 255 € », a calculé Assurland, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Conséquence : un conducteur en défaut d’assurance sur deux a moins de 30 ans, selon le Fonds de garantie des victimes (FGV), chargé d’indemniser les victimes d’accidents de la circulation quand le conducteur responsable n’est pas assuré.
Le prix de leur assurance est beaucoup plus élevé (…), parce que le risque l’est aussi intrinsèquement beaucoup plus
Et le coût n’est pas neutre pour la société : en 2022, 107 M€ ont été versés par le FGV à près de 8 500 victimes blessées - le chiffre le plus élevé depuis 2019 - et les proches de 157 personnes décédées. « Le prix de leur assurance est beaucoup plus élevé (…), parce que le risque l’est aussi intrinsèquement beaucoup plus », a justifié Patrick Degiovanni lors de la présentation par le FGV de son bilan 2022.
Source: Le Télégramme