Tour de France : les confidences de Rémi Cavagna, après la "reco" de la montée du puy de Dôme

July 08, 2023
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Le rendez-vous avait été donné aux 4 routes, à Clermont-Ferrand, à la fin du mois d'octobre. Rémi Cavagna est déjà là quand nous arrivons. Il est venu en vélo de chez lui, en centre-ville. Quelques jours plus tôt, on avait demandé au Clermontois de reconnaître la montée finale de la 9e étape (184 km) du 110e Tour de France et il a gentiment accepté, alors qu'il ne faisait que reprendre l'entraînement, après avoir observé sa coupure annuelle.

Le jour se lève à peine quand le coureur professionnel de la Soudal - Quick-Step se lance à l’assaut du Géant des Dômes, ce matin-là. Il nous a fallu obtenir une autorisation spéciale, parce que les quatre derniers kilomètres de route sont normalement interdits aux cyclistes.

Suivons-le, roue dans roue, à travers l’objectif de notre photographe, Thierry Nicolas.

“Ça va casser les jambes”

Parce que Christian Prudhomme, le patron du Tour, a voulu que la montée au puy de Dôme soit la plus sélective possible, les coureurs la débuteront de Clermont-Ferrand, à partir de l'avenue Bergougnan, en arrivant par Durtol et l’avenue du Limousin, soit 13,3 km d’ascension.

“Dans la descente vers Clermont si ça roule vite, les coureurs seront en file indienne. Ensuite, le peloton va se regrouper. Ça monte tout de suite, on est d’entrée dans les pourcentages. Il n’y a que 6 à 7% de moyenne, ce n’est pas très raide, mais ce n’est pas facile quand même. Cela va casser les jambes.”

“Sur le petit plateau d’entrée”

Dès les premières centaines de mètres d’ascension, au début de l’avenue du puy de Dôme, Rémi Cavagna se met en danseuse pour relancer un peu la cadence et trouver son rythme sur un braquet adapté.

“On passera sur le petit plateau d’entrée, à moins qu’une équipe fasse un très gros tempo dès le pied de la montée pour lâcher le plus de coureurs possibles : les sprinteurs et les gars pas en forme ne pourront pas suivre.”

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“Très vite, 40 ou 50 coureurs vont s’écarter”

Après moins d’un kilomètre de montée, le peloton aura fondu d’un bon quart, selon Rémi Cavagna. “Aux stations service (avenue du puy de Dôme), il y a un petit replat, qui permet de récupérer entre guillemets. Mais ça remonte devant le restaurant Le Pré, de Xavier Beaudiment (...). Très vite, il va y avoir quarante ou cinquante coureurs qui vont s’écarter et finir dans le gruppetto. Parce que leur objectif sera seulement de rentrer dans les délais. Ils auront placé leurs leaders jusqu’au bas de la dernière descente et se seront fait la peau pour ça.”

Le Tour au puy de Dôme : “Finalement, on y est arrivé “

Quelques lacets après le pont de chemin de fer, se dresse sur la droite de la D941 passée à trois voies le panneau touristique du puy de Dôme, grand site de France, replacé donc sur la carte du Tour, 35 ans après son dernier passage (victoire du Danois Johnny Weltz en 1988). Une réelle satisfaction pour le coureur clermontois, qui a milité pour ce retour.

“Il y a trois ans, on me disait encore : arrête Rémi avec le Tour au puy de Dôme ! Ce n’est pas possible qu’il monte là-haut. Finalement, on y est arrivé.”

“Une guerre de placement”

Un peu plus haut, Rémi Cavagna laisse derrière lui le point de vue de la Pierre Carrée, qui offre le plus beau panorama sur Clermont et son agglo. “La route est super large, souligne l’ancien champion de France. Cela va monter fort dès cette partie-là. Des coureurs vont profiter de la voie plus large pour remonter dans les premières positions du peloton. Il pourrait y avoir une guerre de placement. Parce qu’une fois qu’on a pris position, on la garde normalement jusqu’en haut… si on a les jambes pour le faire. Mais l’équipe qui démarrera l’ascension derrière restera bloquée.”

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“On se dit que ça va piquer”

Avant de traverser le lieu-dit Bellevue, l’horizon se dégage et pour la première fois apparait de face la silhouette imposante du Géant des Dômes, coiffée de son antenne.

“A ce moment-là, on se dit que ça va piquer, qu’il faut monter tout là-haut. On n’a pas fait le plus dur, c’est sûr”, signale le rouleur de la Quick-Step.

Montée de la Baraque : “Pas trop difficile”

Puis, c’est l’arrivée à la Baraque, terminus de la première partie de l’ascension, bien que la route continue de monter en faux plat. “C’est une montée assez régulière. Il y a de petits replats. Je ne la trouve pas trop difficile. Mais il y a quand même un petit coup de cul (une montée plus raide, ndlr), avant Bellevue. Là, c’est dur.”

“Tourner le plus possible les jambes”

Un peu de répit une fois dépassé la Baraque, sur une route ouverte aux vents, mais aplanie. L’occasion de remettre du braquet après avoir “mouliné”.

“On peut même repasser sur le grand plateau”, précise Cavagna, qui lui restera sur son 36 dents. “Si je suis encore dans le peloton à ce moment-là, je garderai le petit plateau. Parce qu’avant une montée difficile, mieux vaut tourner le plus possible les jambes, pour se mettre tout de suite en condition pour grimper.”

Quel braquet ? : “Ça peut se monter avec un 36x30”

Une fois passé le rond-point face au village auvergnat, on retrouve une route pentue en s’approchant du Géant, qu’il va falloir dompter. Sur quel braquet ?

“Avec le petit plateau : un 36 (dents). Et à l’arrière, (une couronne de) 30 ou 34. Cela va dépendre à quel échelon de la course on se trouve. Dans une échappée, ça peut se monter avec un 36x30, voire 36x28 pour les meilleurs. Mais si on est dans un groupe à l’arrière et si on s’est révélé pour s’économiser en vue des prochaines étapes, qu’il n’y a plus rien à gagner, alors là, c’est tout à gauche. Ce sera le 36x34.”

“On était monté comme des avions”

Les coureurs laisseront ensuite sur leur droite la Taillerie du puy de Dôme et le parking du Panoramique, où débute déjà l’ascension finale, alors que si on prend la route à gauche, on arrive au col de Ceyssat (1.077 m), où était passé le Tour, lors de l'édition déplacée en septembre 2020, à cause du Covid.

Un bon souvenir pour Cavagna. “J’étais dans l’échappée. On était monté comme des avions. Comme si l’étape se terminait là”. Sauf qu’il restait encore 150 bornes jusqu’au puy Mary et qu’il avait dû rendre les armes, avec Julian Alaphilippe, avant d’atteindre la fameuse “pyramide du Cantal”.

“Plus que 20 à 25 coureurs à l’avant”

Exceptionnellement, la barrière sera levée pour les cyclistes du Tour ce dimanche 9 juillet au pied du Géant des Dômes. Pour arriver jusqu’ici, la bataille sera impitoyable, selon Cavagna. “La montée, ce n’est pas que le puy de Dôme, rappelle-t-il. On sera en prise bien avant. Cela va faire mal aux jambes. Si une ou plusieurs équipes font le forcing, le peloton va se scinder. Il y aura une guerre pour être le mieux placé. Parce que juste avant la barrière, la route est assez large. Et qu’après, cela se referme. Cela m’étonnerait qu’il y ait plus de 20 à 25 coureurs à l’avant, à ce moment-là.”

“Une pente raide mais régulière”

La route est ensuite longée par les rails du Panoramique des Dômes, le train à crémaillère mis en service en juin 2018 et elle se cabre vraiment. Quatre kilomètres à fort pourcentage. “La pente est raide, mais très régulière, entre 11 et 12% de moyenne. C’est dur parce qu’il n’y a pas de partie de récupération. On est toujours en prise avec la pente. Ce qui est bien, c’est la régularité de la pente. C’est plus facile de trouver son rythme.”

“Le TGV contre le funiculaire”

Au cours de sa montée de reconnaissance, Rémi Cavagna est rattrapé puis dépassé par le Panoramique des Dômes, qui transporte les touristes jusqu’au sommet. Le champion auvergnat, surnommé le “TGV de Clermont”, s’amuse de cette rencontre fortuite, à cet horaire matinal.

“C’est le TGV contre le funiculaire”, rigole-t-il. Avec une vitesse moyenne de 24 km/h, le Panoramique est trop rapide pour le Clermontois, qui monte dix bons km/h moins vite.

“Comme une grande ligne droite”

Au croisement avec le chemin des muletiers, la route s’élargit subitement, avant de vite se rétrécir à nouveau, pour revenir à un calibre moyen d’environ 3,50 m de large. La voie continue de monter en s’enroulant autour de la montagne.

“Le puy de Dôme, c’est une grande ligne droite, résume Rémi Cavagna. Tu n’as pas de virage. Au final, tu ne t’aperçois même pas que tu tournes tout autour du volcan.”

“Tu ne regardes pas sur les côtés”

Passé une bonne moitié de l’ascension, la végétation se fait plus rare. La route n’est plus bordée d’arbres et laisse découvrir un magnifique panorama sur les volcans alentours, plus petits que le Géant. Avec le public en moins, la vue sera sublime.

“Quand on est derrière, on a plus le temps de profiter du paysage. Mais quand tu es là pour jouer la victoire, tu es à fond. Tu ne regardes pas sur les côtés”, tempère cependant le Clermontois, qui aura moins le loisir d’apprécier la vue en contrebas ce dimanche 9 juillet, même s'il n'est pas concerné par la bagarre pour les premières places de l'étape.

Dans la lumière ce 9 juillet ? : “On ne sait jamais”

Quelques rayons de soleil ont fini par percer un ciel resté longtemps couvert en vue du sommet du puy de Dôme. Se retrouver en pleine lumière, Rémi Cavagna apprécierait de l’être également au sens figuré, ce dimanche 9 juillet, sur ces pentes. Même s’il sait qu’il n’a pas toutes les qualités requises pour s’y imposer.

“Pour moi, avec une telle montée, c’est compliqué d’arriver avec les meilleurs. Bien sûr, je ne suis pas un grimpeur. Mais en anticipant, en prenant une belle échappée au début de l’étape, ça peut le faire. On ne sait jamais.”

“Cela arrivera un par un, derrière les favoris”

Plus que quelques mètres de montée et c’est l’arrivée sur la plateforme, à 1.415 m d’altitude. Le plus dur est pour la fin au puy de Dôme, dont l’ascension se termine par un “mur” d'environ 150 à 200 m, surplombant la gare du Panoramique.

“Jusqu’en haut, cela va s’expliquer sévère entre les favoris. Je vois bien un petit groupe de 3 ou 4 coureurs se détacher et se jouer la victoire. Après, cela arrivera un par un. Il y aura des coureurs partout, dans toute la montée”.

“Pogacar a le punch pour s’imposer”

Une fois atteint la plateforme, le bitume s’arrête mais la route se poursuit un peu sous la forme d’un chemin en terre, comme à la Super Planche des Belles Filles. Qui l’emporta après cet ultime coup de rein ? Rémi Cavagna miserait bien sur le Slovène Tadej Pogacar : “Il a le punch pour s’imposer”. Il n'exclut pas non plus une victoire de son coéquipier et ami, Julian Alaphilippe.

“Le puy de Dôme, c’est mythique !”

Après une grosse suée, la photo souvenir, avec la borne indiquant l’altitude de la plateforme sommitale, soit 1.415 m. Grand sourire du Puydômois : “C’est un monument, le puy de Dôme. C’est mythique”.

Combien de temps mettra le vainqueur pour escalader les quatre derniers kilomètres depuis la barrière ? Moins de 16 minutes, d’après lui. “Pour le moment, c’est Romain Bardet qui a le meilleur temps (16’16”), à 15 km/h (*), sur Strava (une appli utilisée par les cyclistes, ndlr). Mais je pense que cela pourrait se monter en 15’45, 15'30. Ça va plus vite en groupe, quand les fauves sont lâchés… ”

(*) Romain Bardet a pulvérisé son chrono en juin dernier (15'31") et détient toujours le record de la montée sur Strava.

Texte : Raphaël Rochette

Photos : Thierry Nicolas

Source: La Montagne