"J'envisage de faire fermer l'hôtel" : l'accueil de mineurs isolés dans un Campanile, traduction de la crise migratoire dans les Alpes-Maritimes
Depuis plus d'un mois, une association conventionnée par le département maralpin s'occupe d'une quarantaine de mineurs non accompagnés dans un hôtel Campanile à Châteauneuf-Grasse. Le maire de la commune regrette de ne pas avoir été consulté.
Le Figaro Nice
La chambre d'hôtel «29» n'en a plus que le numéro et la configuration. Depuis plus d'un mois, la petite pièce s'est transformée en bureau pour gérer l'hébergement d'urgence de mineurs non accompagnés (MNA). À Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), ils sont une quarantaine à occuper l'hôtel Campanile de cette commune de l'arrière-pays. Au total, 21 chambres sur 47 les hébergent. De jour comme de nuit, certains errent dans les escaliers, au milieu des jardins ou restent cloîtrés dans leurs pénates.
Dans un communiqué et une vidéo tournée sur place, vendredi, le député du Rassemblement national (RN) de la 2e circonscription maralpine s'est alarmé de cette situation. Il a dénoncé «une nouvelle réquisition ordonnée la semaine dernière par le préfet des Alpes-Maritimes» après celles d'Antibes et de Menton. Mais il ne s'agit pas pas d'une réquisition préfectorale. Selon les informations du Figaro, le Département conventionne l'association Pierre-Valdo pour prendre en charge des MNA dans cet hôtel. Contacté, le directeur général des services confirme ce contrat pour faire face à la crise migratoire dans les Alpes-Maritimes. En janvier 2022, déjà, une convention similaire avait été signée avec l'association Pasteur avenir jeunesse (Paje).
Au Campanile, des équipes d'éducateurs employés par l'association Pierre-Valdo se relaient en permanence. Affichés sur la porte de cette chambre «29», des emplois du temps et autres documents utiles à l'organisation. Des activités sont proposées aux migrants, comme des parties de football ou des sorties en bord de mer. «Il ne faut pas croire que c'est une colonie de vacances !», nuance une encadrante. Certains de ces jeunes logent dans cet hôtel depuis trois semaines en attendant que leur minorité soit vérifiée par les services de la protection de l'enfance - une compétence départementale. En théorie, cette procédure ne doit pas dépasser les 72 heures. Preuve de l'incapacité du Département à gérer l'afflux massif de migrants qui franchissent la frontière franco-italienne. «La semaine dernière, je suis allé récupérer un groupe de jeunes qui avait passé six jours dans les locaux de la caserne Auvare à Nice , assure une autre éducatrice. Ils étaient 21 dans 5 mètres carrés avec des conditions d'hygiène déplorables...» Depuis janvier, près de 1202 sans-papiers présumés mineurs ont été pris en charge.
Au début, on m'a quand même dit que c'était pour recevoir 40 Ukrainiens ! Depuis, ni le Département ni la préfecture ne m'ont contacté.
Le cas du Campanile ne serait pas isolé. D'autres établissements accueilleraient actuellement des MNA encadrés par l'association, selon l'une de ses membres. À Châteauneuf-Grasse, le maire regrette un manque de transparence et de concertation. «Au début, on m'a quand même dit que c'était pour recevoir 40 Ukrainiens ! Depuis, ni le Département ni la préfecture ne m'ont contacté», regrette Emmanuel Delmotte. Selon ses dires, les riverains se plaignent de nuisances. «Je reçois des mails tous les jours et on m'a même demandé d'installer des barrières autour de l'hôtel», poursuit-il. Lassé d'affronter les questions de ses administrés sans pouvoir y apporter de réponses satisfaisantes, il pourrait prendre ses dispositions dans les prochains jours. «J'envisage de faire fermer l'hôtel pour des raisons de sécurité», lance-t-il. L'association lui avait assuré que la vingtaine de chambres serait libérée le 15 avril. Leur occupation pourrait finalement se prolonger jusqu'à septembre.
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Depuis plusieurs années, David Nakache, président de l'association Tous Citoyens, demande la mise en place de nouvelles structures pérennes pour éviter la prise en charge en urgence des mineurs isolés dans des établissements privés. «Ça craque de tous les côtés car il y a plus d'arrivées qu'avant. Le conseil départemental a renoncé à sa vocation sociale, insiste-t-il. Tout ça devrait être transparent mais le Département refuse de communiquer et d'informer les maires.» Le «CD06», lui, interpelle l'État pour obtenir de l'aide face à une situation qu'il dit ne plus pouvoir gérer.
Mercredi, la première ministre a esquissé une réponse en annonçant le renfort de 150 policiers et gendarmes et la création d'une «border force». «Une vague migratoire de fond progresse de jour en jour. Depuis longtemps, je demande à l'État d'assumer sa responsabilité face à cette montée en puissance», a réagi par communiqué Charles-Ange Ginésy, le président du Département, à la suite des annonces d'Élisabeth Borne. En attendant, faute de structures suffisantes, le conseil départemental s'en remet à l'action associative qu'il finance pour s'occuper des mineurs isolés.
Source: Le Figaro