Les paroles du "Notre Père" sont-elles trop patriarcales?
Temps de lecture: 2 min — Repéré sur The Guardian
«Je sais que le mot “père” est problématique pour les personnes ayant eu un père destructeur ou abusif, et pour tous les gens parmi nous qui ont travaillé dur pour se défaire de l'emprise du patriarcat sur leurs vies.» Tels ont été les mots de l'archevêque de York, Stephen Cottrell, lors du synode général de l'Église d'Angleterre, qui s'est tenu en février 2023.
L'archevêque anglican faisait ainsi référence au Notre Père, peut-être la plus répandue de toutes les prières chrétiennes, et dont le Nouveau Testament affirme qu'elle a été apprise à Jésus-Christ par ses propres apôtres. Ces propos s'inscrivaient dans un discours plus global basé sur l'idée d'un besoin d'unité au sein de l'Église britannique.
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Peu après cette prise de parole, Chris Sudgen, dirigeant du groupe conservateur Anglican Mainstream, a tenu à revenir sur les propos de Stephen Cottrell en affirmant notamment que c'est Jésus lui-même qui, dans la Bible, invitait les gens à s'adresser à ce fameux père dans leurs prières: «L'archevêque d'York est-il en train de dire que Jésus se trompe, ou que Jésus n'avait pas conscience de ses responsabilités pastorales? Cela me semble emblématique de l'approche de certains ecclésiastiques de se nourrir de culture plutôt que des Écritures.»
De son côté, la révérende Christina Rees, qui entend devenir évêque anglicane, a affirmé que Cottrell «avait mis le doigt sur un problème très important pour les Chrétiens depuis de nombreuses années». «La grande question, a-t-elle ajouté, c'est celle-ci: croyons-nous vraiment que les hommes sont plus à l'image de Dieu que les femmes?» Une réflexion qui fait suite aux demandes répétées de certains prêtres de pouvoir employer des pronoms neutres pour désigner Dieu au lieu d'utiliser systématiquement «il».
Notre parent, qui es aux cieux
L'Église d'Angleterre n'a pas fermé la porte à cette question, bien au contraire: elle a même accepté d'ouvrir une commission sur le langage genré au sein de l'Église, sur le principe suivant: «Cela fait bien longtemps que les Chrétiens ont reconnu que Dieu n'était ni mâle ni femelle, et pourtant notre culte ne concrétise pas les différentes façons possibles d'appeler et de décrire Dieu.»
Dans son discours sur le Notre Père, l'archevêque d'York a également insisté sur le pronom possessif «notre» afin d'enjoindre les membres de l'Église anglicane présents lors du synode à faire preuve de plus de fraternité (et de sororité, donc d'adelphité) dans leurs échanges. «Nous semblons parfois obstinés et irréconciliables, nous nous complaisons dans la division, et nous semblons surtout prêts à nous diviser une fois de plus [...] Nous avons pris l'habitude de la désunion.»
En 2013, les paroles francophones du Notre Père avaient été officiellement modifiées en raison de leur aspect jugé blasphématoire. Le célèbre «Et ne nous soumets pas à la tentation» avait laissé place à «Et ne nous laisse pas entrer en tentation». Une nouvelle modification finira-t-elle par être apportée? Arrivera-t-il un jour où les croyants et les croyantes réciteront le Notre Parent, ou auront la possibilité de dire au choix le Notre Père ou le Notre Mère? Cette révolution-là n'est sans doute pas pour demain.
Source: Slate.fr