ces nombreuses questions posées par les intelligences artificielles permettant de "parler" avec ses proches disparus
Des sociétés américaines et sud-coréennes développent des intelligences artificielles permettant de discuter avec des proches décédés. Pour le moment, c'est encore un marché de niche, mais ces technologies posent de nombreuses questions, notamment éthiques.
Ce sont des voix venues d'outre-tombe grâce à l'intelligence artificielle. De nombreuses applications permettent désormais de "parler" avec des personnes disparues. Un concept particulier, voire dérangeant, qui prend pourtant de plus en plus d'ampleur. Depuis six ans, aux Etats-Unis, il est possible de "chatter", sur une messagerie avec un proche disparu. Depuis, d'autres technologies sont arrivées et il y a désormais le son et la vidéo. La société sud-coréenne Deepbrain, en a fait l'une de ses spécialités, avec son projet "re;memory".
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Dans la vidéo de présentation, on aperçoit Monsieur Lee, décédé depuis plusieurs mois, sur un grand écran. Son épouse et sa fille parlent avec lui, ou plutôt avec une intelligence artificielle très performante capable de reproduire les visages, les voix et les expressions faciales des personnes disparues.
Pour fonctionner, ces technologies ne partent pas de rien. Elles ont besoin de collecter durant notre vivant un maximum de données : SMS, vidéos, photos, écrits, mais aussi nos intérêts, nos goûts, nos habitudes, nos achats... Autant d'informations qui sont ensuite compilées pour générer un "avatar" le plus fidèle possible.
Des questions éthiques
Certaines sociétés veulent aller encore plus loin que la vidéo, avec de la trois dimensions et le toucher. La société américaine Somnium Space proposera d'ici la fin de l'année de créer notre avatar dans un monde numérique grâce au mode "life forever" (la vie pour toujours). Nos proches pourront ensuite porter un casque de réalité virtuelle et une combinaison haptique permettant de recevoir des signaux électriques comparables au toucher humain.
Mais tout cela n'est pas sans poser des questions éthiques et psychologiques. Laurence Devillers est professeure en intelligence artificielle à Sorbonne Université, chercheur au CNRS et membre du Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) : "On peut tout imaginer ! On peut faire vieillir une personne disparue, voir ce qu'elle serait devenue. Jusqu'où on va s'arrêter ?"
Pour de nombreux psychologues et psychiatres, comme le docteur Christophe Fauré, spécialiste de la question du deuil, cette technologie aura forcément des conséquences : "Toutes ces technologies vont clairement à l'opposé du processus naturel de deuil après la perte d'un proche. Sans aucun doute, il y aura à cause de ça des deuils difficiles, des deuils pathologiques".
Un secteur de niche
D'autant que toutes ces applications sont très récentes et personne n'a pu étudier leur impact. Martin Julier Costes est chercheur en sociologie et en anthropologie du deuil et de la mort : "Je considère que l'on n’a pas assez de recul pour dire si ces technologies sont néfastes ou particulièrement positives. C'est probablement l'un et l'autre."
Pour ce chercheur, c'est donc un outil comme un autre, et pour certaines personnes, dialoguer avec les morts dans un monde numérique peut avoir du sens. Reste à savoir si ces intelligences artificielles vont trouver leur public. Rien n'est moins sûr, car certains concepteurs eux-mêmes sont sceptiques. Joseph Murphy est responsable du développement de la société sud-coréenne Deepbrain : "Pour l'instant nous avons lancé moins de dix projets 're;memory'. On considère que c'est un secteur de niche et que ce n'est pas vraiment un marché en développement".
D'ailleurs, le géant américain Microsoft a obtenu un brevet il y a trois ans pour mettre au point ce type de technologies, et n'a pour l'instant rien développé.
Source: franceinfo