Inflation : le manque de ciblage des aides publiques montré du doigt

July 11, 2023
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Des clients dans un hypermarché Casino Hyperfrais, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), le 28 avril 2023. JEFF PACHOUD / AFP

Lorsque les prix de l’énergie ont commencé à grimper au sortir de la crise liée au Covid-19 puis avec la guerre en Ukraine, le gouvernement n’a guère hésité à réactiver un « quoi qu’il en coûte » budgétaire pour venir en aide aux ménages. Au total, près de 100 milliards d’euros d’argent public ont été mobilisés entre 2021 et 2023 à travers différents dispositifs comme le bouclier tarifaire qui a contenu la hausse des prix du gaz et de l’électricité, le coup de pouce à la pompe pour les automobilistes, ou encore l’indemnité inflation.

Un effort inédit, comparable par son ampleur à celui déployé pendant la crise sanitaire, même si une partie des fonds – environ un tiers – est récupérée par les pouvoirs publics auprès des énergéticiens au travers de prélèvements divers. Car le compteur tourne encore : si le bouclier tarifaire sur les prix du gaz, en baisse, a été supprimé le 1er juillet, celui ciblant l’électricité, dont les prix demeurent élevés, a été prolongé jusqu’en 2025. Le dispositif va donc continuer à coûter cher au contribuable.

Fallait-il déployer autant d’argent public, surtout pour soutenir la consommation d’énergies fossiles ? Les économistes du Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme dépendant de Matignon, estiment que les mesures ont « considérablement » limité la hausse des prix sur les ménages, en la transférant vers le budget de l’Etat, ce qui a permis de « soutenir l’activité, la consommation et l’investissement en 2023 », écrivent-ils dans une note publiée mardi 11 juillet. Le revenu disponible brut des ménages aidés a ainsi crû de 1 021 euros par unité de consommation entre 2019 et 2023, observent-ils, soulignant au passage que les entreprises, qui ont répercuté 100 % des hausses des prix sur les consommateurs, sont nettement moins enclines à les réduire lorsque l’énergie redevient bon marché puisque leurs baisses ne sont retransmises qu’à hauteur de 40 %.

Améliorer les outils statistiques

La principale critique des auteurs rejoint celle déjà formulée par d’autres depuis le retour de l’inflation : les aides ont été distribuées trop largement, et leur poids pour les finances publiques est insoutenable à terme. Ils recommandent donc dans l’immédiat une sortie plus rapide des aides en vigueur, « en excluant progressivement les 20 % des ménages les plus aisés du bouclier tarifaire sur l’électricité, ce qui permettra d’économiser 5 milliards d’euros », résume l’économiste Xavier Jaravel, coauteur de l’étude.

A moyen terme, « pour la prochaine crise », ils plaident pour l’amélioration des outils statistiques afin de « connaître avec précision et en temps réel les niveaux de consommation d’énergie des ménages », avance son coauteur Xavier Ragot. De telles données doivent permettre de réserver les aides à ceux qui en ont le plus besoin, avec d’autres critères que les seuls revenus. « A niveau de revenu équivalent, il y a une très grande hétérogénéité de situations », poursuit l’économiste. Les ménages modestes subiront, en effet, très différemment le choc de l’inflation, selon que leur logement est énergivore ou non. De même, « les 60-74 ans ont un taux d’inflation de 1,5 point supérieur à celui des ménages de moins de 30 ans en raison de dépenses en alimentation et en logement très supérieures », note l’étude.

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Source: Le Monde