Daniil Medvedev en quart de finale de Wimbledon, ou l'art du contre-pied permanent

July 12, 2023
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Ce n'est plus vrai aujourd'hui mais pendant longtemps, la fiche ATP de Daniil Medvedev nous indiquait que l'herbe était sa surface favorite. De quoi pouffer de rire quand on sait que Wimbledon était jusqu'à présent le seul tournoi majeur où il n'avait pas encore atteint les quarts de finale, une ineptie pour un (ancien) n°1 mondial. Mais en réalité, c'était très sérieux. D'ailleurs, rappelons-nous : c'est bien à Londres qu'il avait gagné son premier match en Grand Chelem et même signé son premier coup d'éclat en sortant Stan Wawrinka, au 1er tour de l'édition 2017.

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"Jusqu'à ce que je commence à mieux jouer sur dur, c'est exact de dire que l'herbe était ma surface favorite, confirme le n°3 mondial devenu, Au début, j'aimais beaucoup ça car j'avais à la fois le sentiment de pouvoir frapper à pleine puissance tout en jouant de manière plus débridée, pour surprendre. Alors je me disais : 'cette surface est parfaite pour moi'. Mais ensuite, j'ai commencé à gagner beaucoup de matches sur dur en sachant exactement quel plan de jeu mener. Alors que sur gazon, j'ai eu plus de mal. A partir de là, j'ai commencé à moins aimer." confirme le n°3 mondial devenu, après sa victoire par abandon sur Jiri Lehecka (touché au pied) en huitièmes, le 10e joueur en activité à avoir désormais atteint le "last 8" de tous les Grands Chelems.

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Un parcours logique et illogique à la fois

L'analyse de Medvedev sur ses aptitudes naturelles à l'herbe reste vrai, lui qui compte tout de même un titre (Majorque 2021) et une finale ('s-Hertogenbosch 2022) dessus. Finalement, en atteignant les quarts, le Russe n'a fait que remettre les vaches au milieu du pré. Certes sans causer d'exploit ni faire beaucoup de bruit. Mais en écartant avec autorité de bons herbivores tels Adrian Mannarino ( qui venait de le battre à S'hertogenbosch ) au 2e tour ou Marton Fucsovics au 3e. Son parcours, aussi "logique" soit-il, est aussi une preuve supplémentaire de son inimitable capacité à être là où on ne l'attend pas (et inversement).

C'est d'ailleurs particulièrement vrai cette saison. Très attendu à l'Open d'Australie, il y avait été battu dès le 3e tour par Sebastian Korda, avant de connaître un rebond spectaculaire en remportant quatre des cinq tournois suivants. On pensait que les choses allaient se calmer sur terre battue, surface qu'il exècre (ou plutôt exécrait) ostensiblement depuis des années. Résultat, il a enfin réussi à s'y adapter pour s'imposer à Rome, débarquant ainsi dans la peau d'un gros challenger à Roland-Garros, où il a été battu au 1er tour par un qualifié, Thiago Seyboth Wild. Et le voilà ici en quart de finale après avoir perdu d'entrée à -S'Hertogenbosch, puis en quart de finale à Halle. Dur à suivre, Daniil…

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Mais cultiver l'art du contre-pied, cela correspond aussi au personnage, et à son jeu. "Jusqu'à présent, je n'ai pas trouvésur gazon la clé que j'ai réussi à trouver cette année sur terre battue, a-t-il confié. Il faut dire aussi que mes premiers matches sur gazon, je les ai joués sur des Challengers ou sur des courts annexes, où j'avais le sentiment que la balle "glissait" et où mes coups naturellement à plat pouvaient donc vraiment être bénéfiques. Mais sur les grands courts où j'évolue aujourd'hui, j'ai l'impression que c'est beaucoup plus lent et que cela favorise davantage ceux qui font tourner la balle. C'est un peu surprenant. C'est là que j'essaie toujours de trouver la bonne façon de jouer."

Finalement, le Russe se pose un peu la même question que tout le monde. A savoir, c'est quoi, en 2023, un bon joueur de gazon ? Autrefois temple des grands serveurs ou des purs attaquants, l'herbe s'est ouverte ces dernières années à des profils très hétéroclites. Et même Daniil y perd son latin. "Je vois certains joueurs qui ne réussissent pas très bien dessus et ça me paraît étrange car leur jeu semble adapté. Parfois, c'est peut-être juste une question de croyance ou d'adaptation, un peu commemoi avec la terre battue. Le rapport entre le gazon et la terre battue, c'est que ce sont deux surfaces naturelles où les rebonds ne sont pas toujours les mêmes. Il faut toujours s'ajuster. Le plus dur pour moi, sur herbe, c'est de trouver mon rythme."

Je n'ai jamais été si bien accueilli à Wimbledon. Dans le monde, je n'ai pas reçu si souvent un tel accueil. Ça m'a vraiment touché. Et j'ai envie de le rendre au public."

En atteignant les quarts de finale, on peut penser que Daniil Medvedev l'a trouvé, son rythme. A tout le moins, il a fissuré un plafond de verre. C'est déjà bien. Mais peut-être pas suffisant encore pour lever les dernières réticences publiques sur son "herbo-compatibilité". Pour cela, il lui faudra au moins atteindre le dernier carré en battant ce mercredi l'épatant Christopher Eubanks, celui là-même auquel il avait mis un terme au beau parcours, en mars dernier, en quart de finale du Masters 1000 de Miami.

Quelque part, on peut penser que son élimination d'entrée à Paris a été un mal pour un bien dans la perspective de Wimbledon : elle lui a permis de prendre une semaine de vacances, de se changer les idées en allant assister en famille au Grand Prix de F1 de Barcelone, et donc de faire un "reset" complet pour arriver à Londres les idées fraîches et les jambes légères. Un an après son éviction pour les raisons géopolitiques que l'on connaît, il y a reçu, malgré un 1er tour contre un Britannique (Arthur Fery), un accueil chaleureux qui a définitivement achevé de lui procurer de bonnes "vibes".

"Je n'ai jamais été si bien accueilli à Wimbledon, avait-il dit après ce 1er tour. Dans le monde, je n'ai pas reçu si souvent un tel accueil. Ça m'a vraiment touché. Et j'ai envie de le rendre au public. Déjà, en ne me comportant plus comme un enfant capricieux comme j'ai pu le faire par le passé", avait-il rajouté, faisant peut-être référence à l'édition 2017 lors de laquelle il avait défrayé la chronique en jetant des pièces de monnaie à l'arbitre, sur le court, après sa défaite au 2e tour contre Ruben Bemelmans.

Six ans plus tard, il n'est pas interdit de penser qu'il puisse récolter au centuple les fruits tout ce qu'il avait semé ce jour-là.

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Source: Eurosport FR