Expulsion de migrants à Mayotte : les Comores refusent l'accostage de bateaux
Le préfet de Mayotte a en retour déclaré espérer «reprendre rapidement» les rotations de bateaux vers les Comores.
Les Comores ont déclaré ce lundi avoir refusé l'accostage d'un bateau transportant des migrants en provenance de Mayotte, où les autorités françaises ont annoncé une opération anti-migrants controversée, et suspendu le trafic de passagers dans le port où les personnes expulsées sont habituellement débarquées.
«Tant que la partie française décidera de faire des choses de façon unilatérale, nous prendrons nos responsabilités. Aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne», a déclaré à l'AFP le ministre comorien de l'Intérieur, Fakridine Mahamoud. «Le port de Mutsamudu (sur l'île comorienne d'Anjouan) n'est pas en mesure d'opérer sur l'embarquement et débarquement de passagers de ce jour jusqu'au 26/04/2023, date à laquelle nous vous informerons de l'éventuelle reprise des opérations», ont annoncé de leur côté les services maritimes dans une note adressée à une compagnie maritime et dont l'AFP a eu copie.
Le préfet de Mayotte a affirmé lundi que la France «n'arrêtera pas» les opérations contre la délinquance et les bidonvilles menées sur ce territoire français de l'océan Indien, alors que des défenseurs des droits humains se sont inquiétés des actions entreprises contre les migrants en situation irrégulière. «Les opérations (...) de lutte contre la délinquance et de lutte contre l'habitat insalubre, avec leurs conséquences sur l'immigration clandestine, on ne les arrêtera pas», a déclaré le préfet Thierry Suquet devant la presse à Tzoundzou, dans la banlieue de Mamoudzou. Le représentant de l'État a également dit espérer «reprendre rapidement» les rotations de bateaux vers l'île comorienne d'Anjouan.
Opération «Wuambushu»
La France prévoit de déloger des migrants illégaux des bidonvilles du département français de Mayotte, dans l'océan Indien, et d'expulser les Comoriens présents illégalement sur le territoire vers l'île comorienne la plus proche, Anjouan, située à seulement 70 km. Quelque 1800 policiers et gendarmes sont déjà à Mayotte pour l'opération baptisée «Wuambushu» (reprise, en mahorais) du ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin.
À lire aussiMayotte: les enjeux d’une vaste opération contre l’immigration clandestine qui va débuter sur l’île
Les Comores ont déclaré la semaine dernière ne pas avoir l'intention d'«accueillir des expulsés issus de l'opération». Moroni a multiplié les appels à Paris pour annuler l'opération, disant ne pas avoir les moyens d'accueillir un afflux de migrants. Et d'intenses tractations ces dernières semaines avaient laissé planer la possibilité d'un accord de dernière minute. Le président comorien, Azali Assoumani, qui assure depuis février la présidence de l'Union africaine, avait dit espérer «que l'opération sera annulée», en reconnaissant «n'avoir pas les moyens de (la) stopper par la force». Les Comores se sont engagées dans un accord signé en 2019 à «coopérer» avec Paris sur les questions d'immigration en échange d'une aide au développement de 150 millions d'euros. De nombreux migrants africains et notamment comoriens périssent régulièrement dans des naufrages en tentant chaque année de rallier clandestinement Mayotte, notamment à bord de petites embarcations de pêche à moteur appelées kwassa kwassa.
Située entre Madagascar et la côte est-africaine et faisant géographiquement partie de l'archipel comorien, Mayotte s'est séparée des Comores en 1974 lors d'un référendum où les trois autres îles ont choisi l'indépendance. Elle est devenue département français en 2011 et l'Union des Comores refuse toujours d'y reconnaître la souveraineté de la France. Selon l'Institut national des statistiques français (Insee), près de la moitié des 350.000 habitants de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française mais un tiers des étrangers de l'île y sont nés.
Source: Le Figaro