" Le classement n'est jamais un objectif pour moi ", confie Courtney Dauwalter avant la Hardrock 100

July 14, 2023
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Où s’arrêtera Courtney Dauwalter ? L’Américaine de 38 ans pourrait se contenter d’être la seule athlète dans l’Histoire à avoir remporté les quatre courses d’ultra-trail les plus prestigieuses au monde, à savoir la Western States, l’UTMB, la Hardrock et la Diagonale des Fous. Un exploit qu’elle ne partage qu’avec un certain Kilian Jornet. Mais non, elle vient de pulvériser le 24 juin le record féminin de la Western States, en bouclant les 161 km (5.500 m de dénivelé positif) en 15h29, soit 1h18 de moins que la précédente marque référence. Si bien que Courtney Dauwalter détient maintenant les chronos records de toutes ces épreuves mythiques.

Et ce vendredi (14 heures), la voici engagée dans « son » Colorado, pour un insensé enchaînement Western States-Hardrock (161 km, 10.000 m de D+) que les rares dingos à avoir tenté n’ont jusque-là jamais su convertir en double victoire. Oui oui, cette boulimique de défis XXL ne s’est accordée que trois semaines de repos entre ses deux 100 miles. L’athlète phare de Salomon revient pour 20 Minutes sur ses performances hors normes, sur sa « pain cave » et sur la récente commercialisation de son fameux short large « shortney ».

Que vous inspire ce Grand Chelem de titres, mais aussi désormais de chronos records sur les quatre courses d’ultra-trail les plus mythiques au monde ?

Les records, les chronos et les classements ne sont jamais des objectifs pour moi. Rien de cela ne compte à mes yeux. Je me sens avant tout vraiment chanceuse d’avoir l’opportunité de courir ces quatre ultra-trails et de tout donner dessus. Après, je suis contente que ça ne se passe pas trop mal pour moi jusque-là (sourire).

Comment cette folle idée d’enchaîner en trois semaines deux immenses courses de 100 miles vous est-elle venue ?

Je cherche en permanence de nouveaux moyens de me challenger et d’explorer ce que j’appelle ma « pain cave » (« l’antre de la douleur »), pour chercher à déterminer mes limites. J’ai d’ailleurs passé beaucoup de temps, plus de 60 km, dans cette « pain cave » sur la Western States. Mais c’est exactement ce que je veux. Ça faisait plusieurs années que ce challenge trottait dans ma tête. Je me demandais à quel point ce serait cool de tester ça. Il y a quand même déjà des athlètes comme Jeff Browning (3e et 4e en 2016) qui ont tenté d’enchaîner les deux courses. Je me suis dit que c’était le moment parfait pour moi, après avoir remporté la Hardrock 100 l’année passée.

Courtney Dauwalter a signé une performance incroyable, le 24 juin à sur la Western States (161 km), en Californie, avec un temps record (15h29) plus rapide que celui des vainqueurs masculins de l'épreuve en 2016 et 2017... et même que celui de Kilian Jornet (15h34) en 2011. - Olivier Denton

Savez-vous comment votre corps va absorber deux tels efforts successifs ?

J’espère que mon corps pourra supporter cet enchaînement. On sera vite fixés là-dessus (sourire). J’ai dû combiner les caractéristiques des deux courses au niveau de ma préparation. La Western States se court à un rythme très rapide, et il a aussi fallu que je fasse beaucoup de randonnée en vue de la Hardrock, avec ses hautes altitudes à gravir. Ma priorité numéro une a été de m’assurer que je me sentais physiquement et mentalement aussi fraîche que possible pour attaquer la Western States. Je savais que ce timing de trois semaines serait court, à la fois pour s’entraîner et pour bénéficier d’une véritable récupération.

Même si vous assurez ne pas vous soucier des classements, vous avez fini 4e au scratch (classement général, hommes et femmes compris) à la Diagonale des Fous 2022, puis 6e le mois dernier à la Western States, juste devant Mathieu Blanchard. Un podium sur une telle course semble de plus en plus accessible pour vous, non ?

Je ne verrai jamais ça comme un objectif de viser une place en particulier mais si ça se produisait, ce serait génial. Je ne vois aucun problème au fait de rêver que ça soit possible. Je veux juste finir en me disant que j’ai donné tout ce que j’avais en moi. Il y a tellement de variables dans une course de 100 miles. Vous ne pouvez par exemple pas contrôler les autres coureurs. Je ne veux donc pas me concentrer pendant une si longue épreuve sur « les résultats extérieurs ». Je veux me focaliser sur « mes efforts intérieurs » et mon dynamisme.

Vous arrive-t-il tout de même parfois de penser que symboliquement, votre présence sur le podium d’un tel événement serait énorme pour tout le sport féminin ?

Oui oui, il n’y a rien de mal à croire que c’est possible, pour toute athlète féminine d’ailleurs. L’ultra-trail féminin est clairement dans une dynamique excitante en ce moment. Notre sport se développe dans son ensemble, et les femmes grandissent vraiment très vite, avec des gains énormes réalisés à chaque course. Si bien que je pense que oui, un jour, nous verrons une femme se hisser sur le podium au scratch d’une grande course. Je ne sais pas si ce sera moi, ni quand ce jour arrivera. Mais c’est excitant de croire en ça, clairement.

Entre votre amusante routine du brossage de dents lors des ravitaillements et votre short extrêmement large, avez-vous conscience de détonner dans le monde du trail ?

Disons que je n’ai jamais porté de short serré pour courir. J’ai grandi en préférant toujours les shorts larges et confortables. Quand j’ai commencé le trail-running, j’ai donc opté naturellement pour des modèles de basket ou de football masculins, tout ce que je trouvais de long et de large en fait. Le confort, c’est la clé, surtout quand tu vas te dépasser pendant autant de temps. Croyez-moi, le dernier truc auquel vous voulez avoir affaire sur un ultra, c’est de ne pas vous sentir confortable dans vos vêtements. Quand j’ai rejoint Salomon en 2017, j’ai donc choisi le long short de sa ligne masculine. La marque m’a soutenue et ce choix de coupe ne lui a jamais posé de problème.

Vous est-il parfois arrivé de vous sentir jugée au bord des sentiers, en raison de ce choix vestimentaire ?

Non, je ne me suis jamais sentie jugée par qui que ce soit avec mes shorts. Peut-être que je l’étais parfois, mais je ne l’ai pas ressenti ainsi. Je n’ai jamais vu ce sujet comme un gros combat personnel. C’est juste que les gens ont souvent cherché à comprendre pourquoi j’avais une tenue différente des autres traileuses. Aujourd’hui encore, je suis la seule athlète élite sur les courses à porter un short aussi long. Quand je m’explique, ça fait sens pour tout le monde et on passe à autre chose.

Courtney Dauwalter en plein entraînement avec son fameux short large « shortney ». - Jordi Saragossa / The Adventure Bakery

Depuis le printemps, votre « shortney » avec ce style « oversize », que vous avez coconçu avec Salomon, est désormais commercialisé…

Je suis fière qu’on soit capables avec Salomon de casser la mode des vêtements féminins, tels qu’ils sont supposés être. Là, on ouvre d’autres possibilités et j’espère voir beaucoup de femmes se sentir bien en courant avec un « shortney ».

Rassurez-nous, après cet enchaînement de dingue Western States-Hardrock, vous n’envisagez pas un instant participer à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (171 km, 10.000 m de D +) le 1er septembre ?

Ah, je ne dis jamais jamais (rires). Là, je ne suis évidemment concentrée que sur la Hardrock. Après, je verrai comment mon corps et mon esprit se sentent, et je déciderai à ce moment-là du reste de mon été.

Source: 20 Minutes