Aux Etats-Unis, les dangers des " Bidenomics "

July 14, 2023
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Le président américain, Joe Biden, et Lael Brainard, conseillère économique de la Maison Blanche, à Washington, le 15 juin 2023. SUSAN WALSH / AP

C’est le nouveau concept de Joe Biden : le président des Etats-Unis est parti en campagne pour sa réélection sur le thème de l’économie, les « Bidenomics ». Sans cesse, M. Biden vante sa politique économique – un mélange de repli sur soi, de subventions et de mesures sociales en période de plein-emploi –, qui fait suite au keynésianisme de l’après-guerre et au néolibéralisme inauguré avec Ronald Reagan.

Les « Bidenomics » se font sans les économistes, voire contre eux, l’économie – comme la guerre avec les militaires – étant une chose trop sérieuse pour leur être confiée. Certes, l’équipe de M. Biden a l’apparence de l’orthodoxie, avec Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine), au Trésor, et Lael Brainard, ancienne vice-présidente de la Fed devenue conseillère économique de la Maison Blanche.

En réalité, la politique économique est gérée par les géopoliticiens, à savoir Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, au nom de l’affrontement avec la Chine, et les spécialistes du social et des syndicats. Comme nous le confie Adam Posen, président du Peterson Institute, cercle de réflexion pro-libre-échange de Washington, « Biden veut mettre les économistes sur le siège arrière, derrière les gens de la politique étrangère et du social. Etre un économiste mainstream ou de centre gauche, ce que son équipe qualifierait de néolibéral, est négatif ».

Une rupture en trois étapes

La rupture de Joe Biden vis-à-vis de la doctrine classique se joue en trois étapes. La première a lieu sous la présidence de Barack Obama, en pleine crise financière. Le président démocrate mène une politique orthodoxe raisonnable. Résultat, le chômage reste à haut niveau, et l’Amérique se trouve coincée avec des inégalités croissantes dans ce qui est baptisé, à l’époque, la prétendue « stagnation séculaire ». Ex post, Obama est accusé de ne pas avoir fait assez de déficit et d’avoir trop écouté les économistes. S’y ajoute l’erreur de n’avoir poursuivi en justice aucun financier de Wall Street, après la débâcle de 2008, et d’avoir laissé se cartelliser l’économie, notamment le secteur de la tech.

La deuxième étape se joue lors de l’élection de Donald Trump, en 2016, qui remporte les Etats désindustrialisés dits « de la ceinture de la rouille ». Joe Biden jure que les démocrates ne se feront pas prendre deux fois et adopte un discours industrialiste et ouvriériste, qui passe par une dénonciation du libre-échange.

La troisième étape se joue avec le Covid-19, qui révèle la vulnérabilité des entreprises américaines face aux chaînes d’approvisionnement, notamment vis-à-vis de la Chine, devenue adversaire national, et est accentuée par la guerre de la Russie en Ukraine.

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Source: Le Monde