Japan Expo 2023 : du numérique au papier, les webtoons s'installent en librairie
A l’origine conçues pour être lues sur un téléphone, ces bandes dessinées coréennes numériques se déclinent depuis deux ans en version papier, en France. Une quinzaine de maisons d’éditions les publient. Reportage à Japan Expo au Parc des Expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), où les webtoons sont à l’honneur.
"Depuis ce matin les webtoons français notamment se vendent très bien, confirme Célia, libraire au stand des éditions Vega-Dupuis. Les titres les plus vendus ? “Orage, Distress, Because I can't love you... Tous en dédicaces aujourd'hui." En ce premier jour de Japan Expo au Parc des Expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), jeudi 13 juillet, le webtoon est à l’honneur. Pendant les quatre jours d’animations, plusieurs conférences et événements sont consacrés à cette bande dessinée numérique coréenne. Née dans les années 2000, elle débarque en France en 2011 avant d’exploser au moment du confinement. Si le webtoon est d’abord pensé pour être lu sur un téléphone, plusieurs versions papier des séries à succès ont fait leur apparition en France depuis 2021. Et cartonnent en librairie.
200 000 exemplaires vendus en six mois
Devant le stand coloré des éditions Delcourt, Pascal Lafine sourit. Éditeur et créateur de la collection de webtoons Kbooks, il est l’un des premiers à s’être lancés dans l’aventure papier des séries coréennes. En 2019, alors qu’il voyage en Corée, il découvre le webtoon Solo Leveling (Chu-Gong), très populaire au Pays du matin calme. Le coup de foudre est immédiat. Deux ans plus tard, il lance la version imprimée en français. Et vise dans le mille. Entre avril et septembre 2021, près de 200 000 exemplaires sont vendus dans l’Hexagone, selon Delcourt. "Le webtoon apporte quelque chose de nouveau dans la manière de raconter une histoire, analyse l'éditeur. Il inclut beaucoup de références à notre époque comme les réseaux sociaux, les conversations SMS..."
A la Japan Expo 2023, l'éditeur Pascal Lafine (Delcourt) prend la pose devant le stand du webtoon "Solo Leveling". (Juliette Pommier)
Un succès qui s'explique aussi par la spécificité du marché français, selon Pascal Lafine. "La France est un pays dévoreur de culture et notamment par le biais du papier." Aujourd’hui, la collection Kbooks propose une quinzaine de webtoons imprimés, contre 35 références web sur sa plateforme Verytoon, créée en 2021.
Une quinzaine d'éditeurs en France
Boostés par les ventes de Delcourt, plusieurs poids lourds de l'édition se sont aussi laissé convaincre par le webtoon. Ils sont une quinzaine en France à publier des versions papier. Le dernier en date : Michel Lafon. Après le lancement de son propre label webtoon Sikku en 2022, l’éditeur a annoncé, en juin 2023, un nouveau partenariat avec la plateforme Webtoon. Huit titres devraient être publiés entre 2023 et 2024. A commencer par Marry my Husband et High school mercenary.
"Grâce à la publication de Solo Leveling, de plus en plus d'éditeurs papier s’intéressent au webtoon, abonde Hyung-Rae Kim CEO de Piccoma Europe. Nous avons été contactés pour nous demander si les droits étaient disponibles, si on était intéressés pour travailler avec le papier par plusieurs maisons." Le géant du manga et du webtoon en ligne lance aujourd'hui son premier webtoon papier, Itaewon Class, chez l’éditeur spécialisé Kotoon. La série comptera huit volumes, à 14,95€ par tome. D’autres sagas papier devraient paraître “prochainement”, promet le responsable.
Adapter ses planches et ses dessins
Pour une maison d’édition, publier une version papier, à côté d’une offre numérique, est synonyme de revenus. Le webtoon est conçu selon un modèle freemium : en ligne, les premiers épisodes sont gratuits, puis il faut débourser quelques euros pour acheter les suivants. “Les éditeurs ne peuvent pas uniquement se reposer sur un service digital, explique Pascal Lafine. Les webtoons imprimés permettent d’être rentables.”
Adapter un format numérique et vertical, conçu pour être scrollé, vers un format papier n’est pas une mince affaire. “Nous avons une personne qui remonte tous nos webtoons, explique l’éditeur de Toth-M, Eloi Morterol. Une première proposition de maquette est envoyée à l’auteur, qui décide ensuite quels dessins refaire, quels plans doivent être modifiés…”
A la Japan Expo 2023 (de droite à gauche), l'éditeur de webtoons Eloi Morterol, l'auteur de Distress (Vega-Dupuis) Toth-M, l'auteure de Ma senpai est un homme ! (autoédition) Jellexia.H et le letteur (studio Charon) Olivier Paire échangent autour du thème “L'adaptation d'un Webtoon au format papier, comment ça marche ?”. (Juliette Pommier)
Du côté des auteurs, voir son webtoon publié permet, entre autres, de rencontrer ses lecteurs en librairie, notamment lors des séances de dédicaces. “Fatalement ça a aussi influencé ma manière de dessiner. Si je veux que l’adaptation papier soit réussie, il faut que le webtoon soit réussi aussi, raconte Toth-M auteur de Distress (Vega-Dupuis) et invité d’une conférence, “L'adaptation d'un webtoon au format papier, comment ça marche ?”. Autrement, je dois redessiner certaines planches.”
Source: franceinfo