Patrick Artus : " Comment les politiques économiques peuvent-elles réagir à une inflation qui ne baisserait pas en dessous de 3 % ? "

July 15, 2023
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Il est très probable que l’inflation de la zone euro reste durablement supérieure à l’objectif d’inflation de 2 % de la Banque centrale européenne (BCE). Même si les prix de l’énergie, puis les prix des produits alimentaires se stabilisent, l’inflation hors énergie et produits alimentaires non transformés, c’est-à-dire la tendance de fond de l’inflation hors volatilité des prix des matières premières, va rester élevée : elle était de 6,9 % en mai ; elle devrait encore être aux environs de 5 % à la fin de l’année, et de 3,5 % à la fin de 2024. Et ce pour plusieurs raisons.

Le marché du travail de la zone euro est très tendu : les difficultés d’embauche des entreprises n’ont pas reculé, le taux de chômage continue à baisser (il a atteint 6,5 % en avril). Les créations d’emplois restent fortes (+ 0,6 % au premier trimestre), malgré la faiblesse de la croissance (– 0,1 % au premier trimestre). Ce qui conduit à une stagnation, et même à un léger recul du niveau de la productivité du travail. Autrement dit, la totalité des hausses de salaires se transforme en hausse des coûts salariaux unitaires, c’est-à-dire du coût salarial par unité produite.

Le salaire par tête a augmenté d’un peu plus de 5 % sur un an au premier trimestre, le coût unitaire salarial de presque 6 %. Ces fortes hausses vont se poursuivre, puisque l’indexation des salaires se fera en 2024 sur l’inflation totale de 2023, énergie et alimentation comprises (elle était de 6,1 % en mai). Ce n’est que l’année suivante que la stabilisation des prix de l’énergie et de l’alimentation aura potentiellement un effet de ralentissement de la hausse des salaires. A partir de la fin de 2024, l’inflation totale convergera avec l’inflation hors énergie et alimentation après lui avoir été inférieure (6,1 % contre 6,9 % en mai 2023), en raison de la stabilisation des prix de l’énergie, et plus tard de l’alimentation.

Coûts de la transition énergétique

Mais, au-delà de 2024, quelles sont les perspectives d’inflation dans la zone euro à moyen terme ? L’inflation totale moyenne sur la période 2002-2007 avait été de 2,2 % par an ; l’inflation hors énergie et aliments non transformés avait été de 1,9 % sur cette même période. Or, plusieurs mécanismes devraient pousser à un taux annuel moyen plus élevé qu’au début des années 2000.

D’abord, l’intermittence de la production des énergies renouvelables exige de disposer de capacités de production d’électricité et de capacités de stockage de l’énergie nettement supérieures à la demande instantanée d’électricité : les coûts de la transition énergétique vont donc être très importants. Ensuite, la volonté de relocalisation industrielle dans la zone euro va augmenter les coûts de production, car ceux-ci y atteignent environ le double de ceux qui sont en vigueur dans les pays émergents. Enfin, le vieillissement démographique et la faiblesse des gains de productivité vont faire persister les tensions observées actuellement sur le marché du travail.

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Source: Le Monde