"Le métier est mort depuis longtemps": à Nice, un des derniers disquaires indépendants azuréens va fermer

July 15, 2023
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Face A: la vente. Face B: la liquidation judiciaire. À moins qu’un temps de sauvegarde permette de geler les dettes. Dans tous les cas, le refrain entonné par Hit import (11, rue de Lépante), n’aura plus la sonorité d’avant. Le disque est rayé. L’avenir d’un des derniers disquaires indépendants de Nice et même de la Côte d’Azur, s’enraye.

En grande difficulté depuis plusieurs mois, l’enseigne a communiqué sur les réseaux sociaux: "Le métier de disquaire tel que nous le pratiquons depuis quarante-trois ans est mort depuis longtemps. Nous avons toujours fait le choix de proposer des articles neufs, soumis à une concurrence devenue déloyale…"

L’adresse des connaisseurs

Fin du couplet. Dans les bacs, les albums de Nirvana, Iron Maiden, Jimi Hendrix, Iggy Pop, Pink Floyd, Marvin Gaye, The Doors et bien d’autres, grésillent sous la pointe émoussée du tourne-disque d’une vie économique en mutation. Le diamant n’est pas éternel. Pourtant, derrière cette enseigne courue des amateurs de rock, hard rock, heavy metal, il y a de la demande. Marc, habitué des lieux est un fana de hard: "Ici, je trouve tout ce que je cherche et ceux qui sont là, je les fréquente depuis des années, comme Philippe, que j’ai connu à Sasserno."

Produits rares

Hit import. Une histoire musicale. Une aventure humaine. Prenant leurs accords, d’abord en 1980 au 17 rue Gioffredo. Puis en 1987, à Lépante, dans un ancien commerce de meubles. Le chef d’orchestre? Jean-Paul Galliano. La douceur incarnée, malgré la rudesse des morceaux qui secouent les platines. Un musicien. Guitariste. Chanteur. Sans lien avec l’accordéoniste Richard Galliano. "À l’époque, c’étaient que des vinyles, souffle son fils Cédric, et il a pris l’orientation rock et hard rock."

Philippe, un adolescent autant que client, devient son employé. Toujours là d’ailleurs. Aussi accro au gros son que son boss. Ludo les rejoint. Puis Christophe, qui ensuite a fondé le groupe Corpus delicti. Tous contribuent à l’image forte et experte de l’établissement. "On allait à Londres, en Italie afin de ramener des disques et des produits rares", se souvient Jean-Paul.

Vente à perte

Les galettes de vinyle. Puis les CD. "Jusqu’en 2005, ce fut l’âge d’or du CD. Le vinyle était alors en retrait avant de revenir en force il y a trois, quatre ans. Le magasin était plein." Mais ça, c’était avant. Avant l’écroulement du CD, foudroyé par le téléchargement. Plus le reste: inflation post-Covid, coût de la matière première, gros loyer, pression des charges, des taxes. Celles générées notamment par le Brexit brouillent le son avec les fournisseurs officiels du Royaume-Uni. Des prix qui flambent. Des marges qui diminuent. "Vendre un vinyle neuf à 40 euros au lieu de 15 ou 20, c’est plus difficile." Et puis, des portes se ferment, notamment aux Etats-Unis, où "des accords entre les maisons de disques interdisent à Hit import de se servir directement outre-Atlantique". Obligés d’acheter en France… Beaucoup plus cher…

"Sur les ventes de nouveautés, on vend à perte et on ne peut plus acheter à l’import, ce qui était notre spécificité." L’ironie du sort? "Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas ou plus de demande, c’est structurel." En fait, l’activité n’est pas réduite au silence. Mais à tous les problèmes économiques s’ajoute la concurrence du streaming: "Pour un abonnement à 6 ou 7 euros, on a accès à toute la musique en direct, regrette Jean-Paul. Le son n’est pas bon pour les passionnés, mais pour les autres, ça passe." Enfin, Hit import avait un site internet, mais il a fermé, car les livraisons n’étaient pas gratuites comme pour d’autres géants style Amazon.

Un bar à microsillons?

Alors? "Alors, il faut peut-être transformer la structure." La boutique va fermer. Quand? "On ne sait pas encore." Quant au changement, il pourrait passer par l’acquisition d’un local tout proche, où Jean-Paul et ses deux employés piliers depuis quatre décennies, se reconvertiraient dans une formule mixant un petit bar-restaurant musical. Un genre de café-disquaire, "mais ça reste un projet et on ne pourra pas garder la même surface de stock".

Source: Nice matin