Le pacte entre l’UE et la Tunisie, un nouveau "modèle" face à la crise migratoire ?

July 17, 2023
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immigration illégale

L’UE a conclu dimanche un "partenariat stratégique" sur la question migratoire avec la Tunisie, pour freiner les traversées illégales qui se multiplient depuis ses côtes. Un accord présenté comme un "modèle" par la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, mais considéré comme un recul par les associations de défense des droits de l’Homme.

Photo fournie par le service de presse de la présidence tunisienne de la Première ministre italienne Giorgia Meloni (à droite) accueillie par le président tunisien Kaïs Saïed au palais présidentiel à Tunis, le 16 juillet 2023.

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C’est "un partenariat stratégique complet" se félicitent les dirigeants de l’Union Européenne. Dimanche 16 juillet, l’UE et la Tunisie ont conclu un accord pour lutter contre l’immigration clandestine vers l’Europe, en plein essor depuis le pays nord-africain.

Ce "mémorandum d’entente" comprend une aide budgétaire directe de 150 millions d’euros en 2023 pour la Tunisie, confrontée à une crise économique sévère et dont l’endettement a atteint 80 % du PIB, pour une enveloppe totale qui pourrait atteindre jusqu’à 900 millions d’euros.

Cet accord signé entre les 27 et la Tunisie se base sur cinq piliers que sont "la stabilité macro-économique, le commerce et les investissements, la transition énergétique verte, le rapprochement entre les peuples et la migration et la mobilité".

Pour la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, ce partenariat qui traite "la crise migratoire de façon intégrée (…) peut être considéré comme un modèle pour l'établissement de nouvelles relations avec l'Afrique du Nord".

Plusieurs ONG estiment au contraire qu’il s’agit d’un signal très inquiétant dans le contexte tunisien actuel, de nature à enflammer encore un peu plus la recrudescence de violences dont les exilés subsahariens sont victimes.

"Hotspot" de l’immigration illégale

Pour l’Union européenne, cet accord avec la Tunisie répond d’abord à une urgence conjoncturelle. Selon l’agence des réfugiés de l’Onu (HCR), quelque 50 000 personnes sont arrivées illégalement en Italie par bateau au cours des cinq premiers mois de l’année 2023, contre 19 000 sur la même période en 2022. Plus de la moitié d’entre eux sont partis de Tunisie.

"Cette année le pays a dépassé la Libye qui était jusqu’ici le premier pays des départs vers l’Europe", souligne Myriam Tixier, chargée de mission au sein de l’association la Cimade, qui vient en aide aux migrants.

Une situation due au durcissement de la politique des autorités libyennes vis-à-vis des migrants, mais également à la multiplication des filières de passeurs en Tunisie, notamment dans la ville de Sfax, désormais considérée comme la plaque tournante de l’immigration illégale dans la région, affirment les autorités locales.

La présence croissante de migrants dans la cité portuaire génère depuis des mois de vives tensions avec les locaux. Celles-ci ont dégénéré depuis la mort d’un tunisien lors d’une altercation avec des subsahariens, début juillet, entraînant une véritable chasse aux migrants.

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Un partenariat global au nom des 27

L’accord signé vise à "renforcer la coopération pour lutter et diminuer les flux migratoires irréguliers et sauver des vies humaines". Car la forte augmentation des départs depuis les côtes tunisiennes va de pair avec une hausse des naufrages. Le premier trimestre 2023 a ainsi connu le nombre le plus élevé de morts en mer depuis 2017, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Pour combattre ce fléau, l’UE mise sur une approche "holistique" (globale) qui inclut le "développement des voies légales pour la migration", autrement dit l’immigration choisie, tout en favorisant "un développement durable" dans les "zones défavorisées à fort potentiel migratoire" pour réduire l’immigration illégale. Enfin, l’accent est mis sur la lutte contre les "réseaux criminels de passeurs" avec le renforcement des contrôles, des patrouilles et des moyens d’enquête visant à démanteler ces filières.

Cet accord, qui selon Giorgia Meloni doit servir de base pour les négociations en cours avec les autres pays de la région, s’inscrit dans la réforme globale de la politique européenne sur la migration et l'asile, mise en chantier depuis l’automne 2020.

"L’accord avec la Tunisie est une sorte de ballon d’essai" souligne Caroline de Camaret, spécialiste des questions européennes chez France 24. "Il s’agit désormais de traiter cette question non plus en bilatérale mais entre les 27 États membres et chaque pays concerné, en incluant un maximum de paramètres dans les négociations".

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Bras de fer économique ?

Ce pacte comprend des mesures visant spécifiquement la jeunesse tunisienne – notamment par le biais d’un programme d’échanges d'étudiants ainsi que des formations au sein de l’UE – mais aussi un soutien à l’industrie du tourisme ou bien encore le développement des énergies renouvelables.

Alors que l’accord avec la Tunisie est censé représenter la politique des 27, de nombreux observateurs se sont interrogés sur le choix des représentants choisis pour accompagner la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lors de ce déplacement en Tunisie : la leader d’extrême droite italienne Giorgia Meloni et le néerlandais Mark Rutte, dont la ligne très dure sur le regroupement familial a fait exploser le gouvernement.

La chercheuse de Human Rights Watch Lauren Seibert a pour sa part alerté sur le contexte pour le moins malheureux de cette visite, programmée alors même que des migrants avaient été expulsés de force à la frontière libyenne.

"L'accord bénéficiera aussi bien à l'Union européenne qu'au peuple tunisien", a affirmé dimanche le Premier ministre des Pays-Bas, rappelant que l'UE est le premier partenaire commercial de la Tunisie et son premier investisseur. Il a par ailleurs salué "des accords pour perturber les modèles économiques des 'passeurs' et des trafiquants d'êtres humains, pour renforcer le contrôle des frontières et pour améliorer le recensement et les retours".

Today, President Kais Saied (@TnPresidency) of Tunisia and @EU_Commission President @vonderleyen signed the strategic partnership between the EU and Tunisia. Prime Minister @GiorgiaMeloni of Italy and I also attended the ceremony. This is a real milestone and a promising start to… pic.twitter.com/L2kZ0y0Hhm — Mark Rutte (@MinPres) July 16, 2023

"Encore une fois, l'Union européenne se sert des négociations économiques pour faire coopérer un État sur le volet de l’immigration. Contrairement à ce qui est dit, il ne s’agit pas d’un regard neuf" dénonce Myriam Tixier. "Nous savons que les raisons de l’immigration illégale sont complexes, elles peuvent avoir attrait au manque d’opportunités, mais également à l’orientation sexuelle, la recherche de liens familiaux, les questions de liberté expression… L’aide économique promise par l’UE ne règlera pas ce problème" analyse-t-elle.

La chargée de mission au sein de la Cimade, craint par ailleurs que ce soutien de l’UE en pleine polémique sur le traitement des migrants en Tunisie ne conforte la politique du président Kaïs Saïed, qui les a qualifiés à plusieurs reprises de menace pour le pays.

"C’est sûr que l’UE a trouvé en Tunisie une très bonne oreille. Le président cherche par tous les moyens à faire partir les exilés. Il y a fort à craindre que cet accord n’aggrave encore la situation des migrants, déjà persécutés de manière absolument scandaleuse dans le pays".

Dans le texte de l’accord, la Tunisie réaffirme sa position de ne pas être "un pays d'installation de migrants en situation irrégulière". Elle s’engage à lutter "contre les réseaux criminels de passeurs" tout en défendant une démarche "basée sur le respect des droits humains".

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Source: FRANCE 24