Partage de la valeur : la plupart des dispositifs remplacent les hausses de salaire

July 18, 2023
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La question du partage de la valeur n’en finit pas d’agiter le débat public. Ce fut le cas à l’été 2022 avec le projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui avait suscité de vifs débats à propos de la taxation des superprofits. C’est encore le cas avec le texte adopté en première lecture, le 29 juin, par l’Assemblée nationale, et qui vise à retranscrire l’accord national interprofessionnel (ANI) signé en février par les organisations patronales et syndicales – à l’exception de la CGT. Cet accord prévoit d’étendre les mécanismes de partage de la valeur, tels que la participation, l’intéressement ou une prime aux entreprises de 11 à 49 salariés et impose sa mise en place à celles qui réalisent un bénéfice « au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives ». Le texte rappelle également le principe de non-substitution entre ces dispositifs et les salaires, c’est-à-dire qu’ils doivent compléter les rémunérations et non pas remplacer des augmentations.

Un principe sur lequel reviennent plus précisément les économistes du Conseil d’analyse économique (CAE) – organisme rattaché à Matignon. Dans une note publiée mardi 18 juillet, le CAE évalue l’impact et l’efficacité des différents mécanismes de partage de la valeur, tant sur l’économie que sur les finances publiques.

Pour les auteurs de l’étude, la participation obligatoire – mise en place en 1967 pour les entreprises d’au moins cent salariés, seuil descendu à cinquante en 1990 – est le seul dispositif qui ne se substitue pas au salaire. « La participation obligatoire est de facto prévue pour redistribuer, selon une formule fixe et transparente, une partie des profits excédentaires vers les salariés », explique le président délégué du CAE et professeur d’économie à la London School of Economics and Political Science Camille Landais, coauteur de la note. L’obligation de participation « conduit à une hausse nette de la part des revenus touchés par les salariés », sans aucun effet sur la part des salaires. Une « taxe sur les profits excédentaires » qui n’a toutefois pas d’incidence sur l’investissement des entreprises ni sur la productivité.

« Importants effets de substitution »

Les critiques des économistes portent surtout sur les dispositifs volontaires de partage de la valeur, qui conduisent, eux, « à d’importants effets de substitution ». La note montre en effet que la rémunération moyenne des salariés se stabilise après l’adoption de tels mécanismes (participation pour les entreprises de moins de cinquante salariés, intéressement, prime de partage de la valeur…), alors qu’elle était en croissance auparavant. Le caractère volontaire explique en partie ce résultat. Pour le CAE, par exemple, « une entreprise peut décider de mettre en place » un de ces dispositifs au moment d’un plan d’embauche « pour négocier à la baisse le salaire » des nouveaux salariés. Une analyse qui confirme celle faite par l’Insee en mars au sujet de la prime de partage de la valeur (aussi connue sous le nom de prime Macron) qui génère un très fort effet de substitution. L’institut estime ainsi qu’environ 30 % du montant des primes ont remplacé des hausses de salaires.

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Source: Le Monde