Nomination de l’ex-lobbyiste américaine Fiona Scott Morton à Bruxelles : Macron se dit " dubitatif "
Emmanuel Macron à Bruxelles, le 18 juillet 2023. EMMANUEL DUNAND / AFP
Emmanuel Macron s’est dit « dubitatif », mardi 18 juillet, à propos de la nomination de l’Américaine Fiona Scott Morton à un poste-clé de l’Union européenne (UE) pour la régulation des groupes majeurs de la tech et a affirmé attendre des réponses de la Commission européenne. La déclaration du président de la République, faite à Bruxelles en marge d’un sommet avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, intervient juste avant une audition de la vice-présidente de l’exécutif européen, Margrethe Vestager, au Parlement européen.
La nomination de Mme Scott Morton comme nouvelle économiste en chef à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a été jugée scandaleuse par des eurodéputés, qui réclament des explications.
L’exécutif européen avait adressé vendredi une fin de non-recevoir au gouvernement français, qui a demandé l’annulation du recrutement de cette professeure d’économie à la prestigieuse université Yale. « Si nous n’avons aucun chercheur [européen] de ce niveau pour être recruté par la Commission, ça veut dire que nous avons un très grand problème avec tous les systèmes académiques européens », a répliqué mardi M. Macron. Le chef de l’Etat a par ailleurs souligné l’absence de « réciprocité » de la part des Etats-Unis et de la Chine pour nommer des Européens qui seraient « au cœur de [leurs] décisions ».
Des élus ont mentionné les anciennes fonctions de Mme Scott Morton comme responsable de l’analyse économique à la division antitrust du ministère de la justice américain, entre 2011 et 2012, ou de consultante pour des grands groupes de la tech comme Amazon, Apple et Microsoft. Ils dénoncent de possibles conflits d’intérêts et le risque d’une ingérence de Washington dans des décisions de l’UE.
« Far west numérique » et « shérif américain »
M. Macron a souligné avoir « beaucoup de respect » pour l’experte américaine. Mais « elle a été embauchée par beaucoup d’entreprises et devrait se porter en retrait de ces situations, ce qui rend assez inopérant ce pour quoi on l’embauche », a-t-il estimé. « Je pense que les Européens ont besoin de développer des compétences européennes, d’avoir une autonomie stratégique (…), il faut avoir une autonomie de pensée » et le recrutement de Mme Scott Morton « n’est pas forcément la décision la plus cohérente à cet égard », a-t-il critiqué.
La direction générale de la concurrence est chargée de veiller au bon fonctionnement de la concurrence dans l’UE et d’enquêter notamment sur les abus de position dominante des groupes majeurs du numérique, qui ont donné lieu à des amendes record ces dernières années. En France, 371,6 millions d’euros d’amende ont été infligés à Apple en octobre 2022.
La nomination de Mme Scott Morton survient alors que l’UE s’est accordée en mars 2022 sur une nouvelle législation, le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA), pour mettre fin aux abus de position dominante des géants du numérique. Ce nouveau règlement, qui entrera en vigueur à partir de mars 2024, permettra à Bruxelles d’agir en amont en imposant aux acteurs les plus puissants des règles à respecter sous peine d’amendes dissuasives. L’objectif est d’agir avant que les comportements abusifs aient détruit la concurrence. Cette nomination nourrit, en outre, les critiques contre Mme Vestager et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, considérées comme très atlantistes.
« Nous avons mis fin au far west numérique pour nommer un shérif américain ? (…) Cette nomination va à l’encontre de notre souveraineté », a déclaré l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin (Renew, centristes et libéraux), à l’initiative de l’audition de Mme Vestager.
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La Commission relativise toutefois les responsabilités qui seront assumées par Mme Scott Morton, assurant qu’il ne s’agit pas d’un poste décisionnel mais seulement d’une fonction de conseiller auprès de Mme Vestager.
Fiona Scott Morton n’a pour l’instant pas réagi à la polémique, malgré certaines voix l’appelant à abandonner sa candidature.
Source: Le Monde