La petite histoire de la pub Orange autour des Bleues qui piège tout le monde

July 19, 2023
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"Je vous avoue que je suis un peu dépassé par les évènements", sourit Quentin Delobelle. Directeur de la communication commerciale et de la création chez Orange, il n'avait pas anticipé ça. Sur le papier, un buzz mondial pour une création autour de l'équipe de France de football féminine n'a rien d'évident. Et pourtant : des millions de vues, des reprises partout dans le monde dont le prestigieux Time, un tweet de Gary Lineker et des commentaires venus de tout le globe pour féliciter les créateurs de cette idée originale. Cette vidéo, la voici.

Depuis sa mise en ligne, elle est devenue virale. "Rien qu'entre les deux posts les plus vus, sur Twitter et Tik Tok, on est déjà sur 20 millions de vues", estime Youri Guerassimov, directeur de la création de l'agence Marcel à l'origine du projet. Et ce n'est sans doute pas fini. Réalisation, montage, message, format : la vidéo coche toutes les cases du hit en 2023. Le plus fort est encore ailleurs : dans ce petit sourire avec lequel termine l'internaute piégé mais content de l'avoir été. Alors, comment est née cette géniale idée ?

"Orange est partenaire majeur des équipes de France et du foot amateur, rembobine Quentin Delobelle. Mais Orange est aussi une société et une marque très engagée dans ce qui est diversité et mixité. On s'est dit que ça serait bien que cette équipe, plutôt très bonne, soit reconnue à sa juste valeur. Le brief, c'était ça pour Marcel. Comment faire en sorte que ces footballeuses soient plus connus et que leur technique soit reconnue".

Cheval de Troie et réaction de la FFF

La suite, c'est le "saut créatif" comme il l'appelle. Chez Marcel, Youri Guerassimov y voit une opportunité parfaite. "Aujourd'hui, personne ne doute de la capacité technique et sportive de ces femmes quand on prend le temps de regarder, estime-t-il. Mais il y a une idée reçue qui dit un peu 'le foot des femmes, c'est moins technique, c'est moins physique'. Sur les réseaux sociaux mais même lors de discussions entre amis, les gens sont malhonnêtes sur le vrai niveau des femmes. C'est ce contexte qui a donné le début de l'idée".

Qui dit football de 2023 sur internet dit compil’ d'actions spectaculaires, format ô combien efficace sur toutes les plateformes. "On s'est inspiré des vidéos qui cartonnent sur le net avec les meilleurs buts, les meilleurs arrêts, les meilleures actions avec des adjectifs hyper positifs à chaque fois, continue-t-il. Les gens regardent ça par millions. Donc on s'est dit que c'était un cheval de Troie génial pour nous. On va essayer de faire une vidéo en faisant comprendre aux gens, par la démonstration visuelle, que le foot féminin est comme le foot masculin. On a donc repris les grands noms et échangé personnalité par personnalité avec les images qui s'y prêtaient. On a fait des tests, ça a marché et très rapidement on a vu que c'était concluant".

La petite histoire est belle mais a aussi eu son lot de doutes et d'obstacles à passer. "On a fait un choix car il y avait plusieurs propositions intéressantes. Mais cette idée était fascinante, reconnaît le représentant d'Orange. Très honnêtement, j'ai eu du mal à croire au début qu'on y arriverait, autant dans la curation de vidéos pour trouver les bons angles et les bonnes actions. Je me disais qu'on se mettait dans une galère pas possible. Et en fait, non, ils ont fait un super boulot".

8 graphistes et 500 heures de travail

"Chez Marcel, on est une agence particulière, on aime bien les idées qui grattent, les idées audacieuses, c'est souvent qu'on arrive avec ça chez les clients, continue Youri Guerassimov. Mais il faut aussi qu'ils adhèrent. Chez Orange, le client a été assez ouvert pour se projeter sur une idée assez complexe. D'une idée audacieuse, on a eu aussi un client courageux. Il a fallu le défendre auprès de la FFF mais qui a aussi adoré et a soutenu le projet".

Vient alors le moment de la création pure. "Un travail de fourmi", comme le répète le directeur de la création de l'agence. "Une fois la version publiée sur les réseaux sociaux, on a toujours tendance à croire qu'il y a une sorte de machine qui a tout fait, sourit-il. Evidemment, non. La partie IA de la machine a joué, oui, mais le travail humain a été considérable. On a eu presque 8 graphistes qui ont travaillé jour et nuit dessus avec presque 500 heures de travail en post-production. Il a fallu trouver tous les angles qui collaient entre les joueurs et les joueuses, les classer, les assembler. Ensuite, il y a eu un énorme travail de retouche pour modifier les corps. L'ordinateur ne transforme pas par magie une jeune femme aux cheveux longs comme Cascarino avec la tête de Mbappé. Donc il a fallu détourer la tête, les queues de cheval, retravailler les corps pour se rapprocher des morphologies masculines". Pour arriver à ses fins, l'agence s'appuie sur la boîte de production "Prodigious" qui fait des miracles.

Comment Sakina Karchaoui est devenue Antoine Griezmann (crédit : Marcel Agency) Crédit: DR

L'avancement du projet participe à rassurer toutes les parties. Mais Quentin Delobelle a encore une crainte, qu'il finit par écarter définitivement. "Je me suis dit qu'on allait se prendre une remarque sur le fait qu'on ait besoin de passer par les hommes pour mettre en avant les femmes, explique-t-il. Là, j'avoue ne pas avoir une autre réponse que oui. Mais la cause en vaut la chandelle. La vidéo, c'est un piège, on se fait un peu avoir. Mais si on avait mis que les actions des filles, très honnêtement, je ne pense pas qu'on aurait connu ce succès-là. Cette supercherie participe au buzz avec cette prouesse technique". Plus que le comptage des vues, c'est aussi les commentaires enthousiasmant à chaque partage qui ravissent ses créateurs.

Source: Eurosport FR