Vers une disqualification de Trump à la présidentielle? "On est dans un inédit total"

RFI
July 19, 2023
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Entretien

Donald Trump est une nouvelle fois au cœur de l'actualité judiciaire. L'ancien président américain a révélé, lundi 18 juillet, sur son réseau social, avoir reçu une lettre du procureur spécial Jack Smith lui annonçant qu'il était la cible d'un grand jury, cette fois-ci dans l'affaire de l'attaque du Capitole à Washington par ses partisans, le 6 janvier 2021. Une procédure judiciaire qui pourrait aboutir à une inculpation fédérale pour conspiration séditieuse ou incitation à l'insurrection, et peut-être l'empêcher de se présenter à la présidentielle de 2024, en vertu du 14e amendement de la Constitution des États-Unis. Analyse de Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste des États-Unis.

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RFI : La possible disqualification de Donald Trump dans la perspective de la présidentielle de 2024 vous semble-t-elle un scénario plausible ?

Corentin Sellin : Il faudrait qu'il soit d'abord condamné par un jury pour conspiration séditieuse ou incitation à l'insurrection. Ensuite, il faudrait établir que cette condamnation le rend passible de la clause du 14e amendement, le disqualifiant pour briguer toute fonction fédérale élective. En réalité, on est dans un inédit total, nous n'avons pas du tout de référence dans l'époque contemporaine et on ne sait pas si cela pourrait être appliqué. Tout cela est très ténu, n'a jamais été éprouvé, jamais été jugé par les tribunaux non plus. Néanmoins, il est vrai que cela fait une différence de taille avec toutes les autres éventuelles condamnations de Donald Trump qui n'aboutiront, elles (le versement d'argent à l'actrice X Stormy Daniels, et l'affaire des documents classifiés, NDLR) jamais à une disqualification électorale.

RFI : Encore une fois, c'est Donald Trump lui-même qui fait l'annonce à grand bruit de cette procédure avant même qu'elle ne soit officialisée. Comment expliquez-vous cette stratégie de l'ex-président candidat ?

Il veut à chaque fois utiliser le moindre nouvel élément dans l'enquête du procureur spécial Smith pour en faire un argument auprès de ses électeurs et surtout de ses donateurs, pour dire « aidez-moi puisqu'ils veulent ma peau ». Le « ils » désignant l'État fédéral et le procureur Smith. Donc clairement, c'est une stratégie politique. Crier au loup en quelque sorte, puisque là, il n'y a même pas encore d'inculpation, il s'agit d'une simple lettre l'invitant à venir déposer auprès du grand jury. Mais ça lui permet évidemment, derrière, de lancer des invitations aux dons. On voit bien depuis six mois que ça fonctionne très bien, qu'à chaque nouvelle péripétie judiciaire, il y a une hausse de ces donations politiques. Il faut aussi rappeler qu'une partie des dons qu'il reçoit sont en quelque sorte détournées par Donald Trump pour financer ses frais de justice et ses frais juridiques. J'allais dire qu'il joue là, complètement, sur les deux tableaux.

RFI : Parallèlement à ce dossier du Capitole, le 18 juillet, seize partisans de Donald Trump ont été inculpés dans l'État du Michigan pour avoir voulu se faire passer pour des grands électeurs en 2020, dans le but d'ajouter des voix au compteur du candidat républicain et de le faire gagner de façon illégitime. Selon vous, il faut rapprocher ces deux dossiers. Pourquoi ?

On peut les mettre en parallèle parce que l'inculpation des seize faux grands électeurs pro-Trump qui s'étaient déclarés en sa faveur, tout en sachant très bien qu'il avait perdu, pourrait être justement aussi la porte d'entrée du procureur spécial Smith contre Trump. L'un des chefs d'accusation envisagés contre Trump à l'échelon fédéral, c'est d'avoir coordonné, ou au moins encouragé, dans tous ces États où l'élection était disputée (le Michigan, le Nevada, l'Arizona…), ces faux grands électeurs. Et là, on est dans la tromperie, on est aussi dans la fabrication de faux documents, et c'est quelque chose qui pourrait être reproché, à l'échelon fédéral, à Donald Trump. C'est donc très intéressant de voir que, à l'échelon des États et en l'occurrence au Michigan, les faux grands électeurs de 2020 commencent à être poursuivis. D'autant plus intéressant que dans le cas du Michigan, ce sont tous des républicains patentés, y compris des cadres du parti, et qu'aujourd'hui, ils doivent en rendre compte et que Donald Trump pourrait en rendre compte également.

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Source: RFI