Péninsule coréenne : les États-Unis déploient un sous-marin à double dissuasion nucléaire

July 19, 2023
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DIPLOMATIE DES MISSILES

Les États-Unis ont dépêché pour la première fois depuis les années 1980 un sous-marin doté d’armes nucléaires dans un port de Corée du Sud. Une manœuvre risquée dans le contexte de tensions avec la Corée du Nord mais qui répond à la nécessité pour Washington de réaffirmer son rôle dans cette région alors que Séoul pense à se doter de l’arme atomique.

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L’arrestation en Corée du Nord, mercredi 19 juillet, du soldat américain Travis King pouvait difficilement intervenir à un moment moins opportun pour le président américain Joe Biden. Elle offre à Pyongyang un levier de négociation alors que la Maison Blanche semblait décidée à mettre davantage la pression sur le régime de Kim Jong-un.

Avant que Travis King ne prenne la décision de se rendre en Corée du Nord, Joe Biden avait pris une décision sans précédent pour les États-Unis depuis quarante ans. Le président américain a envoyé un sous-marin capable de tirer des missiles nucléaires, qui est arrivé mardi dans le port de Busan, au sud de la Corée du Sud.

Jusqu'à 80 missiles nucléaires à bord

Depuis les années 1980, Washington évitait de sortir ses griffes nucléaires trop près de la frontière nord-coréenne afin de limiter l’escalade des tensions sur la péninsule.

Washington a finalement renoncé à sa retenue. Les États-Unis ont dépêché l’USS Kentucky, capable de transporter jusqu’à 80 missiles nucléaires. "C’est l’un des 14 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin de classe Ohio actifs dont disposent les États-Unis", souligne Ho Ting "Bosco" Hung, spécialiste de la Chine et des questions de sécurité en Asie à l'International Team for the Study of Security (ITSS) Verona. Ces submersibles constituent le fer de lance de la dissuasion nucléaire maritime des États-Unis.

Pyongyang a vu d'un mauvais œil l’arrivée de l’USS Kentucky dans les eaux sud-coréennes. Elle "éloigne plus que jamais la Corée du Nord de la table des négociations", a affirmé Kim Yo Jong, l’influente sœur du dirigeant nord-coréen.

Mais il était temps que les États-Unis haussent le ton dans la région, estime Ho Ting "Bosco" Hung. "Durant les présidences de Barack Obama et Donald Trump, Washington faisait régulièrement référence à la menace nord-coréenne traitée comme l’une des principales priorités. Joe Biden a été beaucoup plus discret sur la question", rappelle cet expert. Pour l’actuel locataire de la Maison Blanche, l’ordre des priorités était simple : la Russie en première place, la Chine ensuite et la Corée du Nord en troisième position mais loin derrière.

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"Depuis un an, Pyongyang en a largement profité pour mener un grand nombre de tests de missiles. Ils ont pu considérablement améliorer leur maîtrise technique de ces engins", rappelle Ho Ting "Bosco" Hung. Et les mises en gardes verbales du Japon, de la Corée du Sud et des États-Unis n’ont pas eu d’effet. "La situation est devenue très volatile. Pyongyang ne montrait aucune volonté de ralentir le rythme de ses essais", souligne l’expert de l’ITSS.

Le déploiement de l’USS Kentucky représente ainsi pour Joe Biden une manière de rappeler à Kim Jong-un qu’il ne l’a pas oublié. Et autant taper aussi fort que possible sur la table : "en matière de dissuasion nucléaire, envoyer un sous-marin comme celui-ci fait partie des signaux visibles les plus forts possibles", note Ho Ting "Bosco" Hung.

La petite virée sud-coréenne du submersible ne constitue cependant pas seulement un message pour le Nord. Elle intervient dans un contexte plus large de démonstration tous azimuts du soutien des États-Unis à la Corée du Sud.

Dissuader la Corée du Sud d'opter pour l'arme nucléaire

"On a au même moment en Corée du Sud, l’arrivée de ce sous-marin nucléaire lanceur d’engins, et la visite de Kurt Campbell, le coordinateur pour l'Indo-Pacifique du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, pour la première réunion du Groupe consultatif nucléaire (NCG)", souligne Antoine Bondaz, spécialiste de la péninsule coréenne à la Fondation pour la recherche stratégique.

Cette initiative a été lancée dans la foulée de la rencontre entre Joe Biden et le président sud-coréen Yoon Suk-yeol en avril. Le NCG doit servir à améliorer la réponse sud-coréenne à l’évolution de la menace nucléaire du voisin au nord.

Washington tient absolument à rassurer son allié à Séoul. "L’envoi de l’USS Kentucky est un geste plus politique que militaire car d’un point de vue du rapport de force avec Pyongyang, la présence à Busan de ce sous-marin ne change pas grand-chose", soutient Sebastian Harnisch, spécialiste de la péninsule coréenne à l’université de Heidelberg. Les missiles transportés par les submersibles de classe Ohio ont été conçus "pour être tirer de loin [portée de plus de 7 000 km, NDLR], et il n’y a donc aucun intérêt à le déployer aussi près de la frontière avec la Corée du Nord".

C’est militairement d’autant moins sensé que l’avantage d’un sous-marin réside dans sa capacité à être invisible. Sa présence avérée dans le port de Busan "neutralise sa valeur tactique principale : sa furtivité", souligne la chaîne CNN.

Cette surenchère des gestes pour démontrer que les États-Unis savent être le bon allié nucléaire au bon moment tient au fait que "Washington veut s’assurer ainsi que Séoul ne tombe pas dans le débat sur une possible nucléarisation du pays", assure Antoine Bondaz.

Depuis près d’un an, la Corée du Sud se demande en effet s’il ne serait pas temps pour elle aussi de devenir une puissance nucléaire. "Entre la Chine qui a augmenté son arsenal nucléaire et se montre de plus en plus agressive en Asie et la Corée du Nord qui semble plus déterminée que jamais, Séoul se sent plus menacé que jamais", souligne le Nuclear Threat Initiative, une ONG américaine qui œuvre pour le désarmement nucléaire, dans un billet de blog sur la tentation nucléaire sud-coréenne.

L’USS Kentucky représente ainsi une arme de double dissuasion nucléaire. Il vise à rappeler à Kim Jong-un que Washington a de quoi frapper vite et fort si la Corée du Nord franchit la ligne rouge avec ses tests, et "sert à éviter que la Corée du Sud ne participe à la prolifération des armes nucléaires dans le monde", résume Ho Ting "Bosco" Hung.

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Source: FRANCE 24