Disparition du petit Emile : " La pendule m’a amené vers ce chemin "… Sur TikTok, les médiums se rêvent en enquêteurs

July 22, 2023
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Dans le hameau du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), le 8 juillet dernier, le petit Emile disparaissait dans la maison de ses grands-parents, où il se trouvait en vacances. En plein après-midi, laissé sans surveillance, le petit garçon s’est volatilisé sans laisser de traces. Et depuis, l’enquête n’a encore abouti à aucune conclusion. Alors sur les réseaux sociaux, c’est le branle-bas de combat : il faut retrouver à tout prix le petit Emile. A tout prix, mais sûrement en oubliant à la fois le respect de l’enquête, mais surtout celui de la famille.

Aucune plateforme ne fait exception ici, et surtout pas TikTok. Depuis plusieurs jours sur le réseau social, des vidéos lugubres cohabitent et propulsent dans notre fil d’actualité des prétendus médiums à la recherche du petit garçon disparu. Parmi eux, nous retrouvons le compte de « Tata punk contre attaque », « médium spirit mais pas que » selon sa bio. Sur ses vidéos, la femme aux cheveux rasés prend la plupart du temps contact avec les défunts. Exception faite du petit Emile qu’elle sent encore comme vivant, mais « en mauvaise posture ». « Ce petit garçon a été enlevé par un oncle, il est dans une cabane sombre avec de la verdure autour », explique-t-elle dans une vidéo publiée mardi. Regard dans le vide, elle poursuit dans une autre vidéo : « Je pressens que l’enfant refuse de s’alimenter. […] L’oncle commence à réaliser ce qu’il a fait. Il culpabilise et panique un peu ».

« J’essaye de le faire bouger »

Mais la limite a une fois de plus été franchie lorsque ces vidéos ont été tournées sous le format de lives, dès le dimanche soir, soit un jour après la disparition d’Emile. En direct, des médiums se sont réunis sur TikTok pour organiser une sorte de battue spirituelle. « Le pendule m’a amené vers ce chemin », entend-on dans un premier live et tous se ruent sur la localisation qui se trouverait autour d’un camping. « Il faut prévenir la police », s’alarment-ils.

Dans un autre live, une dénommée Anna se rendra cette fois sur place. « Mimi, mimi, mimi », appelle-t-elle tout en filmant ce qu’il semble être un jardin. « Je crois entendre quelque chose. J’essaye de le faire bouger », poursuit-elle. Mais rien ne bouge. « Il est épuisé », la rassure une autre. « Il n’arrive pas à crier, mais il essaye », renchérit Anna qui affirme « même rentrer en transe ». « Tu balances ton énergie, je le sens aussi », soutient sa consœur en ligne. Finalement, outre l’indignité, c’est l’incertitude qui règne dans ce direct. Si certains sont persuadés de sentir le petit Emile - même via leur téléphone - d’autres sont bien moins affirmatifs. « Ça a l’air éloigné quand même », s’inquiète l’un d’eux.

Le coup de gueule des médiums

Même pour certains médiums, c’en est trop. A la suite des différents lives organisés pour le petit Emile, le compte « Moonwitchfreeheart » décide de pousser un coup de gueule. « Je suis tellement outrée que je ne sais pas par où commencer ». Les qualifiant de « honte », la jeune femme s’insurge du manque de pudeur de ces lives qui ne seraient finalement qu’un ramassis de fausses informations. « Il n’y a plus besoin de police, parce que vous êtes là et que vous savez tout apparemment », raille-t-elle.

Selon la vidéaste, ces faux médiums seraient surtout très opportunistes et n’auraient qu’une ambition : la monétisation de leurs contenus. De quoi décrédibiliser la profession, selon elle. Mais elle n’est la seule à être consternée. D’autres médiums ont à leur tour alerté des nombreuses vagues de haine qu’ils recevaient à la suite de ces lives. « Ce serait sympa de pas nous mettre dans le même panier », demande la TikTokeuse Jenny Cartomancie.

A chaque disparition sa nouvelle enquête dans l’au-delà

En réalité, ce n’est pas la première fois qu’une réunion de médiums se tient dans le cadre d’une disparition d’enfant. Bien avant l’arrivée de TikTok, les voyants et autres métiers pas toujours appréciés du grand public se sont rejoints sur les plateformes pour échanger sur leurs visions ou leurs intuitions. En 2017, la disparition de la petite Maëlys à Pont-de-Beauvoisin (Isère) avait entraîné la création d’un groupe d’une vingtaine de médiums sur Facebook. Mais du côté des enquêteurs, le manque de crédibilité des informations persiste. « A ce que je sache, ils n’ont jamais résolu aucune affaire en France », avait assuré auprès de 20 Minutes l’avocate et porte-parole de l’association « Estelle Mouzin », Corinne Herrmann.

Toutefois la réglementation de TikTok facilite les choses pour ces mediums-apprentis enquêteurs. « Sur le réseau social, il n’y a pas de restriction particulière sur les lives. Au contraire. L’idée, c’est d’engager un maximum », souligne Amélie Ebongué, spécialiste du réseau social et autrice de Génération TikTok, aux éditions Dunod. Dans cette affaire, c’est surtout la question de la monétisation qui dérange car il est fort à parier que ces lives avaient un but financier. « Sur TikTok, c’est l’utilisateur qui contribue à enrichir le créateur de contenus, celui qui fait le live ou les storys. C’est une forme pour lui de monétisation massive pour lui », avance Amélie Ebongué. Mais alors qu’en est-il de la modération ? Victime de son succès, le réseau social désormais n° 1 n’arrive plus à filtrer entièrement le « volume de contenus stratosphérique ». « Mais qui dit volume de contenus, ne dit pas forcément qualité », conclut Amélie Ebongué.

Source: 20 Minutes