Oleg Orlov, le dissident qui ne veut ni se taire ni fuir la Russie

July 22, 2023
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Oleg Orlov (à gauche), coprésident de l’organisation russe de défense des droits de l’homme Memorial et son défenseur public, Dmitri Mouratov, journaliste russe et lauréat du prix Nobel de la paix 2021, assistent à une audience à Moscou le 21 juillet 2023. NATALIA KOLESNIKOVA / AFP

L’œil pétillant, Oleg Orlov sort du tribunal avec la satisfaction de la mission accomplie. « Nous avons réussi à détruire toute leur argumentation ! », s’enthousiasme cette figure historique de Memorial, l’ONG dissoute en 2022 par les autorités judiciaires. Ce vendredi 21 juillet, à la troisième audience de son procès pour « activités publiques visant à discréditer » les forces armées russes, ce dissident de longue date a consacré trois heures, avec ses avocats, à prouver que le travail des experts montés contre lui n’avait aucun sens. « Le juge a désormais tous les documents, toutes les preuves. A lui de décider », confie-t-il au Monde juste après l’audience, dans l’escalier du petit tribunal de quartier où, loin du centre-ville de Moscou, se tient son procès depuis le 8 juin. « Est-ce que cela sera suffisant pour changer le verdict ? Sans doute pas », reconnaît Oleg Orlov. « Car, chez nous, la justice est aux ordres. Et les ordres… »

A 70 ans, ce personnage-clé de Memorial, principale organisation des droits humains russe, colauréate du prix Nobel de la paix 2022, est poursuivi pour avoir dénoncé publiquement « l’opération militaire spéciale » du Kremlin en Ukraine. Dès le début de l’offensive, le 24 février 2022, le coprésident du centre de défense des droits humains de l’ONG, dont les activités sont multiples, a osé manifester. Il est descendu dans la rue pour brandir des pancartes devant la Douma (Chambre basse du Parlement), sur les pavés de la place Rouge ou ailleurs, dans le centre de Moscou.

A chaque fois, au bout de quelques minutes, il a été interpellé par la police. L’infatigable militant protestait pourtant seul, comme l’autorise a priori la stricte législation russe sur le droit de manifester. Mais ses formules-chocs venaient fracasser le discours imposé par le Kremlin : « Paix à l’Ukraine, liberté à la Russie », « Notre refus de connaître la vérité et notre silence nous rendent complices du crime », « La folie de Poutine pousse l’humanité vers une guerre nucléaire », « URSS 1945, pays victorieux du fascisme ; Russie 2022, pays du fascisme triomphant ».

Refus de fuir le pays

Après chaque interpellation, Oleg Orlov a été poursuivi au nom des nouvelles lois adoptées à la hâte, dès le début du conflit en Ukraine, pour museler un peu plus la liberté d’expression. Condamnations et amendes s’accumulent sur son casier judiciaire. « Mais je continuerai. La guerre de la Russie en Ukraine est non seulement contre le droit international mais aussi contre nos intérêts nationaux », expliquait-il au printemps, calme et serein, assis derrière une petite table en bois dans les bureaux désormais fermés de Memorial.

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Source: Le Monde