Barbie : les 3 gros problèmes du film avec Margot Robbie
Pourquoi Barbie laisse-t-il certains spectateurs de marbre, malgré l’engouement général ? Petit décryptage des choses qui ne fonctionnent pas au monde enchanté de Margot Robbie et Ryan Gosling.
Notre critique du film Barbie
Barbie déchaîne les passions. Qualifié de chef-d'œuvre ou taxé de fraude, le film de Greta Gerwig ne met pas tout le monde d’accord, notamment à la rédaction d’Ecran Large. Et si certaines personnes restent perplexes devant ce spectacle de paillettes, c’est peut-être à cause de certains (gros) points noirs dans l’histoire du film qui viennent ternir son éclat. Entre mise au défi de la suspension volontaire de l’incrédulité, négligence de certains personnages ou encore publicité géante à peine dissimulée, les principaux problèmes du film méritent d’être soulignés.
le problème barbieland
La promesse initiale de Barbie, c’est la découverte du monde enchanteur de Barbieland. Cette terre promise en plastique rose où les incarnations taille humaine des poupées vivent en parfaite harmonie. Le problème, c’est que ce petit univers de rêve parsemé de touches humoristiques (l’eau qui ne coule pas pour de vrai, la piscine et le contenu du réfrigérateur qui sont des autocollants...) fonctionne de manière bancale et frustrante.
Par exemple, l’une des premières règles énoncées par le film est que Barbie peut descendre en flottant depuis le toit de sa maison jusqu’au volant de sa voiture, parce que c’est ainsi qu’un enfant ferait bouger sa poupée en jouant avec. Sauf que cette règle ne vaut pour presque aucun autre mouvements des Barbie, qui se déplacent par ailleurs normalement (alors que tout le monde sait très bien qu’une Barbie, on la fait sautiller sur ses pieds joints pour la faire “marcher”).
La nouvelle extension de Disneyland
L’idée de ces cascades impromptues est reprise rapidement lors des “accidents” de voiture où le véhicule fait des tonneaux dans les airs au moindre écart, où alors quand Ken se cogne contre une vague en plastique et rebondit à plusieurs mètres de hauteur, mais dans l’ensemble, le principe est loin d’être respecté dans la vie des Barbie au-delà de ces quelques gags. Ce n’est malheureusement pas qu’un détail, puisque cela fait écho à la gestuelle de l'héroïne, qui s’amuse à bouger comme une poupée de manière complètement aléatoire au cours du film.
Sa posture est parfois rigide et mécanique, comme lorsqu’elle se prépare le matin ou se laisse tomber dans l’herbe de déprime, mais le reste du temps, ses gestes sont parfaitement souples et humains. Pourquoi renoncer au pari de tenir une gestuelle de poupée mannequin tout au long des scènes se déroulant à Barbieland ? Et que dire de cette fameuse vague en plastique, que Ken s’imagine pouvoir surfer ? N’a-t-il jamais essayé de mettre un pied dans la mer de sa propre plage ? Pourquoi les autres Ken semblent être au courant qu’il ne s’agit que de plastique ? L’incompréhension de départ fait tomber le gag à l’eau.
Un univers aussi cohérent que cette carte du monde
Mais tout ceci n’est encore rien en comparaison de règles bien plus importantes pour l’histoire du film. En effet, il est dit que ce qui se passe dans le monde réel vis-à-vis des poupées a une incidence sur Barbieland (par exemple, la Barbie “bizarre” qui est devenue bizarre à force d’avoir été malmenée dans la vraie vie). Mais est-ce que les actions d’une seule petite fille peuvent suffire à influencer Barbieland, comme c’est montré ? Dans ces cas-là, quid de l’impact du comportement de chaque petite fille avec chaque itération de chaque Barbie ?
Globalement, énormément de règles sur le fonctionnement du monde des Barbie, et surtout son lien avec le monde réel, sont floues ou contradictoires. Et non : ça n’est pas forcément excusables au simple prétexte que c’est un monde imaginaire. La cohérence est nécessaire pour s’immerger dans une histoire, si givrée soit-elle.
Barbizarre
le problème sasha
Barbie, c'est l'histoire de la Barbie stéréotypée, la toute première de la gamme, mais aussi de celle de la marque Barbie détenue par Mattel. C'est aussi celle du Ken de Ryan Gosling, et avant ça encore, celle de Gloria, une humaine quadragénaire ou presque, qui déprime parce que sa fille Sasha (Ariana Greenblatt) est en pleine crise d'adolescence et a des réactions épidermiques à chaque démonstration d'affection de sa part. Du coup, c'est aussi l'histoire du passage à l'âge adulte de la collégienne.
En fait, cest l'histoire d'un peu tout le monde, et donc de plus personne. Mais si Barbie, Ken et dans une moindre mesure Gloria s'en tirent avec suffisamment de caractérisation et d'évolution, Sasha n'a plus aucune place dans ce récit surchargé pour exister et donc être un minimum intéressante au-delà de sa tirade assassine sur le fascisme de Barbie.
Sasharrête
On devine que ce personnage devait incarner cette nouvelle génération davantage consciente des stéréotypes sexistes véhiculés pendant des décennies par Barbie, mais aussi une certaine misogynie intériorisée qui passe par le rejet des normes de genre et de l'hyperféminité, façon "les trucs pour filles c'est nul". L'idée était intéressante, mais Sasha ne sert finalement que de prétexte pour que le scénario retourne la situation en braquant les projecteurs sur le mal-être de Gloria.
Passé ce twist tiède, Sasha se contente d'apparaître dans le cadre et de changer de personnalité en même temps qu'elle troque son look d'emo-grunge contre les tenues et les 50 nuances de roses de Barbieland. Pire, elle parasite le développement de sa mère, une femme lassée des injonctions contradictoires de la société et qui tente de s'affirmer, mais qui est systématiquement ramenée à sa relation avec sa fille et donc son strict rôle de mère (celui-là même que devait à l'origine contrecarrer la poupée Barbie).
LE PROBLème mattel
Men in Black : Intertiomâle
Le film Barbie est bien évidemment là pour le business Barbie. Mattel, giga-entreprise derrière les jouets (environ un milliard de chiffre d'affaire chaque année), a produit le film via Mattel Films, créé en 2013 pour exploiter le filon cinéma. Rien de spécial au fond : Hasbro (Transformers, GI Joe, Donjons & Dragons, Ouija, Battleship), Lego (La Grande Aventure LEGO, LEGO Batman : Le film...) ou encore Disney (les films tirés des attractions Pirates des Caraïbes, A la poursuite de demain, Le Manoir hanté...) ont fait la même chose.
Mais il y a un double problème avec ça dans Barbie. Le premier : Mattel fait partie de l'histoire. L'entreprise s'autocaricature (très gentiment) pour apparaître comme un boys club cynique et incapable, mené par un Will Ferrell de retour dans la blague méta après le film Lego. De quoi s'acheter ainsi une bonne image qui pue justement... le cynisme, vu qu'ils ont bien sûr accepté de passer pour des abrutis dans le seul but de soigner leur image cool. Et ainsi, camoufler la gigantesque opération marketing qu'est ce film. Puisqu'on le sait, et qu'on vous le dit, et qu'on en rigole ensemble (même de l'évasion fiscale), c'est moins grave, non ?
Mattel est pris qui croyait prendre
Deuxième problème, qui confirme le premier : Mattel n'est même pas le vrai méchant du film puisque le scénario se concentre sur la guerre des sexes entre les Barbie et les Ken. L'ennemi, c'est le patriarcat, et il est incarné par l'armée de Ken, bien plus vindicatifs que les débiles capitalistes. La bande Mattel est ainsi complètement mise de côté, reléguée à l'arrière-plan comme bouffons-figurants, et de grands enfants.
Non seulement c'est un élément superflu et lourdingue du scénario, que ni Greta Gerwig ni Noah Baumbach (ni Mattel) n'assument vraiment, mais en plus c'est la plus grosse couleuvre à avaler dans Barbie. Passer pour des cons, oui, mais des cons qui font rire, qui ne font rien de grave, et qu'on oublie vite tant ils sont inoffensifs. C'est ça, le vrai Cheval de Troie de Barbie.
Source: EcranLarge