" La maison de l’horreur " : le scandale des mauvais traitements infligés à des personnes âgées en Roumanie

July 24, 2023
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Un couple tient une pancarte indiquant, en roumain, « Ils savaient tous, mais ils n’étaient pas humains », lors d’une manifestation contre la coalition des partis au pouvoir, devant le siège du gouvernement roumain, à Bucarest, le 13 juillet 2023. DANIEL MIHAILESCU / AFP

Rue Etienne-le-Grand 38, Voluntari, nord-est de Bucarest. Vue de l’extérieur, la maison ressemble aux autres villas de ce quartier résidentiel, prisé des nouveaux riches de la capitale roumaine. Mais derrière cette façade paisible s’est déroulé un véritable film d’horreur, sous haute protection politique. Les vingt-sept résidents de cette maison de retraite privée pour personnes âgées et handicapées ont vécu un enfer. Affamés, maltraités, battus, ils ont été utilisés comme prétexte pour lever de généreuses allocations sociales. « Je n’en savais rien, se défend le maire de Voluntari, Florentin Pandele. Si je l’avais su j’aurais agi. »

Silviu Munteanu, l’avocat engagé par les voisins de la maison de retraite, voit les choses différemment. L’odeur nauséabonde émanant des déchets déversés dans la rue les a poussés à intenter un procès contre ce centre, qui fonctionnait sans système d’assainissement. « Depuis 2021, nous avons déposé une trentaine de plaintes auprès de la mairie et des autres institutions concernées, déclare-t-il. Tout le monde était au courant de ce qui se passait dans cette maison. » Les rapports des médecins qui ont examiné les malheureux résidents révèlent que, poussés par la faim, ils ont mastiqué les couvertures et avalé les boutons de leurs pyjamas. Surnommée « la maison de l’horreur », cet établissement était l’une des affaires les plus lucratives de l’association Saint-Gabriel-le-Brave, qui gère trois centres d’accueil de retraités.

Ce saint ne figure pas dans le calendrier religieux romain, mais une certaine Gabriela apparaît, elle, dans cette affaire. Nommée ministre de la famille, de la jeunesse et de l’égalité des chances en novembre 2021, Gabriela Firea est une ancienne journaliste qui s’est lancée en politique en 2012, en rejoignant les rangs du Parti social-démocrate (PSD). En 2016, elle remporte la mairie de Bucarest, où elle pratique le népotisme à grande échelle et poursuit de ses foudres tous les journalistes osant la critiquer.

Mariée au maire de Voluntari, réputé pour ses pratiques douteuses, elle réside dans une villa située à quelques rues seulement de la maison de retraite dont les horreurs ont secoué l’opinion publique. Mais il y a plus que la proximité géographique qui lie Mme Firea à ce centre de retraite. Sa conseillère, Ligia Gheorghe, était vice-présidente de l’association Saint-Gabriel-le-Brave. Sa sœur, Nela Vica Andries, dirigeait le centre d’assistance sociale de Voluntari, chargé de veiller au bon fonctionnement de la maison de retraite. Enfin, le président de l’association, Stefan Godei, un jeune au physique imposant, a été le chauffeur de Gabriela Firea tout au long de sa carrière politique.

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Source: Le Monde