Dans les bidonvilles de Mayotte, une jeunesse sans horizon
ReportageAlors que 50 % de la population du département français a moins de 17 ans, l’opération « Wuambushu » veut s’attaquer à la délinquance des bandes. Portraits de jeunes de l’île.
Le feu a pris dans une maison de tôle, et un enfant a été piégé dans les flammes. Dans un bidonville de Vahibé, un village du centre de l’île de Grande-Terre, à Mayotte, les gens se massent autour d’une fontaine, ce dimanche 30 avril. La victime a été amenée à cet unique point d’eau, en surplomb du bidonville, pour être aspergée, en attendant l’arrivée des secours. Eldine (il a souhaité rester anonyme, comme les autres personnes citées par leur prénom) a de la cendre collée aux chevilles. Et la semelle de ses claquettes en plastique a été en partie fondue par le feu. Le jeune homme de 21 ans vient d’aider à dégager l’enfant de la tôle brûlante.
Eldine est né à Mayotte et a presque toujours vécu à Vahibé, dans une maison de tôle sans fenêtre, avec trois lits qu’il partage avec ses trois frères et sa mère, Foulera, arrivée des Comores il y a trente-sept ans. Faute de place, leur sœur de 15 ans est allée vivre dans une autre « case » de fortune, chez une tante. Toute la fratrie a la nationalité française, à l’exception d’Eldine, qui, à cause d’une erreur d’orthographe sur son acte de naissance, est sans papiers.
Elanziz, 18 ans, est en terminale à Sada. A Vahibé, le 30 avril 2023. MORGAN FACHE POUR « LE MONDE »
Le bidonville de Kawéni, le 29 avril 2023. MORGAN FACHE POUR « LE MONDE »
Eldine (à gauche), Nayer (au centre) et Elanziz (à droite) vivent avec leur mère, qui est à Mayotte depuis trente-sept ans et n’a plus de titre de séjour depuis 2013. Le 30 avril 2023, à Vahibé. MORGAN FACHE POUR « LE MONDE »
Alors, malgré son CAP de peintre, il n’a pas de travail. « Je ne fais rien ici », confie-t-il. Dans cette commune de 6 000 habitants, la jeunesse crève d’ennui. Le frère aîné d’Eldine, Nayer, 25 ans, ne fait « rien de particulier » non plus. Il a beau avoir une carte d’identité française, il a arrêté ses études en 2014, faute d’orientation. Alors il cherche des petits boulots au noir, pour aider sa mère, sans papiers depuis 2013.
Plus jeune, Eldine était un « petit voyou ». « Je frappais pour qu’on m’écoute. » Il a grandi et « laissé les bêtises derrière [lui] ». Malgré cela, parfois, il « pète les plombs ». « Je regarde là où je suis, je me dis que je suis à zéro, alors j’ai des mauvaises pensées. Je me demande comment je peux trouver de l’argent et je me dis qu’il vaut mieux aller barrer la route, braquer. » Et puis, il se raisonne et s’enferme chez lui.
« Coup de pied dans la fourmilière »
A Mayotte, les « coupeurs de route » sont dans le viseur des autorités, dans ce département français de l’océan Indien où 84 % de la population – estimée à 400 000 personnes – vit sous le seuil de pauvreté. L’opération « Wuambushu », annoncée par le gouvernement et réclamée par les élus du territoire, se présente comme un moyen de lutter contre cette délinquance. Elle s’est notamment traduite par l’arrivée en renfort d’un demi-millier d’effectifs des forces de l’ordre fin avril.
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Source: Le Monde