"Il y a un effet boule de neige" : les arrêts-maladies des policiers se répandent, au-delà de Marseille
Après l’arrestation d’un policier soupçonné de violences à Marseille, plusieurs centaines d’agents se sont placés en arrêt dans les Bouches-du-Rhône, et le mouvement de contestation se diffuse à travers l'Hexagone.
«Ça monte en crescendo, le service est au minimum», glisse un syndicaliste quand on l’interroge sur la question des policiers en arrêt maladie. Près d’un mois après l'incarcération d'un de leur collègue de la brigade anticriminalité, soupçonné d'avoir commis avec trois autres policiers des violences sur un jeune homme de 21 ans en marge d'une nuit d'émeutes le 2 juillet dernier, de nombreux policiers ont lancé un vent de protestation d'envergure nationale.
D'abord lancé à Marseille, le mouvement se répand rapidement à travers l'Hexagone, avec à chaque fois les mêmes formes de contestation : déposer des arrêts maladie ou «se mettre en 562» (ne plus assurer les missions essentielles, tout en continuant d'assurer un service minimum). Ces méthodes permettent aux fonctionnaires d'afficher leur mécontentement, tout en contournant l'interdiction de faire grève.
«Il y a comme un effet boule de neige», assure pour Le Figaro Thierry Carmignani, secrétaire départemental adjoint des Bouches-du-Rhône pour le syndicat UNSA Police. «D'abord, les arrêts maladie concernaient essentiellement les services de voie publique, comme les BAC. Ensuite, cela s'est généralisé aux services de support de soutien, comme les bureaux PC radio par exemple», détaille-t-il.
Plusieurs centaines de policiers en arrêt maladie partout en France
Le mouvement reste difficile à quantifier dans sa globalité. Dans le département des Bouches-du-Rhône, terreau de la contestation, près de 600 policiers seraient en arrêt maladie, notamment pour «état d'anxiété chronique avéré», a-t-on pu lire lundi dans la presse. Sans confirmer ce chiffre impressionnant, une source bien informée a indiqué au Figaro que plusieurs centaines de policiers étaient actuellement arrêtés dans le département, mais que les chiffres exhibés sur les réseaux sociaux et les boucles de messageries instantanées étaient à prendre avec beaucoup de précaution. En 2021, l’INSEE rapportait ainsi un taux de policiers et gendarmes de 37 pour 10.000 habitants en 2019, soit un total d’environ 7500 agents en service.
«Les appels au 17 fonctionnent, les interventions continuent d’avoir lieu et les plaintes sont toujours bel et bien prises en compte», précise la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, qui dément formellement les rumeurs de non-prise en compte des plaintes dans certains commissariats du département, parfois évoquées par des internautes.
Ailleurs en France, le mouvement prospère progressivement dans les grandes et plus petites villes. «Plusieurs petits commissariats se mettent en 562 et assurent le strict minimum. Ils prennent encore les plaintes, mais ne sortent quasiment plus patrouiller dehors et ne prennent plus d’initiative», détaille une source policière implantée dans l’ouest du pays. Dans les Alpes-Maritimes, près d’un policier sur deux serait en arrêt maladie. «Le ras-le-bol se généralise partout en France», résume Thierry Carmignani. Le décompte général est d’autant plus difficile à établir que les arrêts maladies peuvent être transmis à l'employeur jusqu’à 48 heures suivant le début effectif de l’arrêt.
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«Ce n’est pas fini»
«Gilets jaunes», Covid, manifestations contre la réforme des retraites, émeutes urbaines, l’actualité de ces dernières années, qui a nécessité leur mobilisation intensive et exceptionnelle sur le terrain, a largement nourri un malaise beaucoup plus ancien qui touche la profession de policier. «C’est un mélange de ras-le-bol, de pression et de sentiment d’injustice après ces événements. On ne se sent pas soutenus, une grande partie de la population ne veut plus nous voir. On a le sentiment d’être lâchés», regrette un policier.
«L’incarcération de notre collègue à Marseille, c’est un peu la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, quelques jours après les émeutes urbaines qui sont à l’origine d’une accumulation d’heures de travail», soutient Thierry Carmignani, qui assure que la contestation revêt un caractère inédit et pourrait durer. «C’est la première fois de ma carrière que je vois ça à Marseille. Et ce n’est pas fini : d’autres directions, comme la police judiciaire, pourraient se joindre au mouvement», soutient-il.
«Tous ces policiers en arrêt maladie, c’est une expression qui n’est pas habituelle», confirme Grégory Joron, secrétaire général d’Unité SGP Police, auprès du Figaro. «Les collègues sont solidaires et comprennent la situation du policier incarcéré à Marseille. Personnellement, je sentais que la colère grondait après les émeutes. C’est pour cela qu’on a adopté la position d’un service minimum pour encadrer l’expression de cette colère policière», justifie-t-il.
Source: Le Figaro