Pôle emploi, ONF, CNRS… Comment les opérateurs de l’État dégagent-ils des excédents budgétaires ?

July 25, 2023
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Ces organes chargés de missions de service public dégagent une trésorerie excédentaire qui intéresse Bercy.

Les bons comptes des opérateurs de l’État seront-ils mis à profit pour éponger l’abyssale dette française ? C’est, en tout cas, une piste avancée par le ministère de l’Économie et des Finances. Bercy entend en effet piocher dans les comptes excédentaires de ces acteurs afin de renflouer le portefeuille public. Un butin sur lequel Bruno Le Maire entend mettre la main dès 2024. La prochaine loi de finances, présentée en septembre prochain, devrait comporter un volet visant à «récupérer la moitié» des «trésoreries abondantes» des opérateurs de l'État, dont l’excédent est évalué à 2,5 milliards d’euros, a déclaré le ministre, ce mardi.

Définis par le ministère du Budget comme «des organismes distincts de l'État, au statut juridique public ou privé, auxquels est confiée une mission de service public de l'État», ces opérateurs sont, par exemple, Pôle emploi, Météo France, le CNRS ou encore l'INSERM. À première vue, difficile de comprendre d’où l’organisme chargé de l’accompagnement des chômeurs et les quelque 437 autres opérateurs français dégageraient de l’argent. Mais le pactole est bien réel, comme le montre «l’évaluation de la qualité de l'action publique» menée par Bercy.

Transmis lundi au Parlement, ce document consulté par Le Figaro «relève notamment les dépenses fiscales inefficaces et susceptibles d'être supprimées». Et, selon l’Inspection générale des Finances (IGF), «les opérateurs (de l’État) totalisent 56,6 Md€ de trésorerie fin 2022, contre 33,8 Md€ fin 2019. Une trésorerie en nette hausse depuis 2019, sous l'effet de la crise et du plan de relance», relèvent les experts. Ces derniers soulignent tout particulièrement «un excédent potentiel de trésorerie estimée à 2,5 milliards d’euros sur la trésorerie déclarée comme non fléchée et mobilisable». Une somme qui pourrait être soustraite à ces organismes sans en affecter d’aucune façon le fonctionnement ou le développement. Surtout que l’IGF «recommande de rationaliser la tutelle des opérateurs» via «les outils du contrôle budgétaire».

De grosses enveloppes de l’Etat

Pour comprendre l’origine de ces comptes excédentaires, il faut considérer le mode de financement des opérateurs. Si Bruno Le Maire expliquait cette bonne santé budgétaire par des «taxes affectées, signifiant donc une sécurité de recettes, et le soutien du plan de relance en plus», le ministre omet les financements publics ordinaires. Une annexe de la loi de finances 2023 explique que leur financement est «assuré majoritairement par l'État directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n'exclut pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire». Ils perçoivent donc une subvention pour charge de service public (SCSP) destinée à couvrir leurs dépenses d’exploitation courante comme le fonctionnement et le personnel.

«En 2023, les 438 opérateurs de l'État bénéficieront d'un total de 76,60 milliards d’euros de financements publics, sous forme de subventions pour charges de service public, de subventions pour charges d'investissement, de dotations en fonds propres, de transferts et de taxes affectées», résume le document. Dans le détail, les cinq opérateurs les plus bénéficiaires de SCSP sont les universités et assimilés (12,274 milliards d'euros), le CNRS (2,968 milliards d'euros), le CEA (1,814 milliard d'euros), France Compétences (1,68 milliard d'euros) et enfin Pôle emploi (1,250 milliard d'euros).

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Gestion budgétaire et activités marchandes

Si les caisses débordent aujourd’hui, c’est peut-être en raison d’une gestion budgétaire efficace. Pôle emploi fait figure de bon élève, selon la Cour des comptes. Dans leur rapport sur «la gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création» paru en 2020, les Sages de la rue Cambon saluent des résultats «positifs pour toutes les années, hors 2012 et 2016 [...]. La capacité d'autofinancement dégagée s'élève à plus d'un milliard d’euros sur la période», indiquent les auteurs. Un bon résultat obtenu notamment grâce aux coupes faites sur les dépenses de fonctionnement hors personnel, qui «après avoir augmenté assez nettement jusqu'en 2016, ont diminué jusqu'en 2018, baissant sur l'ensemble de la période, de 1,8 % (- 16,4 M€), alors que les effectifs ont augmenté de 5,3 %, ainsi que l'activité (plans de formation, etc.)». Tant et si bien que parmi les recommandations des Sages sur la gouvernance de Pôle emploi ne figure que celle-ci : «Améliorer les modalités d’information du conseil d’administration». Aucun commentaire, donc, sur la gestion budgétaire.

Les bons résultats peuvent aussi venir de revenus générés par des activités marchandes. À l’Office National des Forêts, «le résultat net après impôt, pour 2022, s'établit à 53 millions d’euros», en amélioration par rapport à 2021. Le rapport financier 2022 de cet opérateur signale que «l'excédent brut d'exploitation (EBE), qui traduit le résultat économique des structures de production, s'établit à un montant de 105,8 millions d’euros, en amélioration de 45 millions d’euros par rapport à l'exercice 2021».

Mais une bonne gestion budgétaire et des activités marchandes florissantes n’expliquent pas tout. L’excèdent de trésorerie des opérateurs peut également venir de subventions surdimensionnées de l’État. C’est en tout cas ce qu’estiment les inspecteurs des finances, qui estiment qu’à «court terme, la loi de finances doit ajuster dans certains cas les financements directs et indirects de l'État aux opérateurs pour réduire les excédents».

Source: Le Figaro