La collection " Les maîtres du fantastique ". " La Machine à explorer le temps "

July 26, 2023
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« La Machine à explorer le temps », de H. G. Wells, collection « Le Monde », en vente chez les marchands de journaux, 3,99 €.

Au fil d’un XIXe siècle nourri de mutations et d’incertitudes, la littérature fantastique s’invente. Elancés dans un univers de fiction inexploré, H. G. Wells, Mary Shelley, Edgar Allan Poe ou H. P. Lovecraft s’en font les pionniers. Ainsi, repoussant les limites de l’imagination, mêlant l’étrange au merveilleux, La Machine à explorer le temps, premier volume de la collection du Monde, ouvre tous les possibles d’une science-fiction où imaginaire et réalité font cause commune.

Dans le Londres de l’an 802 701, deux peuples cohabitent, vivant chacun dans la crainte de l’autre, composant une société duelle. Les Eloïs, de paisibles et oisifs habitants sans mémoire ni volonté, évoluent dans une nature luxuriante. Les Morlocks, quant à eux, fourmillent dans les profondeurs de la Terre. Etres albinos craignant la lumière, ils sont semblables à de grands singes réduits à servir leurs maîtres en surface, se nourrissant de leur chair. Ici la vie n’a plus aucun prix. L’indifférence règne. Des temps anciens, seule survit la peur. Le monde, malgré quelques vestiges de glorieuses avancées techniques et intellectuelles que laisse encore entrevoir un musée en ruine, paraît revenu à son point de départ, n’ayant rien appris du passé.

Le mythe des origines

Pionnier de la science-fiction, Herbert George Wells (1866-1946) s’est projeté dans l’avenir de l’humanité. Sous couvert d’anticipation, l’auteur, entre prophétie et déduction, réinvente le mythe des origines, décryptant l’essence humaine, tiraillée entre nature et culture, entre domination et soumission, entre lumière et ténèbres. Sa Machine à explorer le temps, publiée en 1895, suivie de dix Contes d’espace et de temps, porte en elle les extrapolations visionnaires d’un XIXe siècle édouardien, nourri de sciences, de progrès et des théories de Charles Darwin sur l’évolution des espèces.

Wells y déroule le récit d’un voyageur du temps, dont il préserve l’anonymat, s’adressant à ses amis – un médecin, un psychologue, un directeur de journal –, emblématiques membres de la société moderne que la révolution de l’industrie et des modes de vie a engendrée. Sa narration, qui tient d’une démonstration scientifique telle que Sherlock Holmes aurait pu la déployer, confronte avec logique théorie et expérimentation, conjuguant des notions philosophiques et humanistes empruntées notamment à La République de Platon, à L’Utopie de Thomas More ainsi qu’aux œuvres de Daniel Defoe, que Wells a dévorées adolescent. Par son improbable voyage, Wells sonde les paradoxes des sociétés occidentales tournées vers le progrès, les résumant ainsi : « L’homme s’était contenté de vivre dans le bien-être et les délices, aux dépens du labeur d’autres hommes ; il avait eu la Nécessité comme mot d’ordre et excuse et, dans la plénitude des âges, la Nécessité s’était retournée contre lui. » Et s’il reconnaît que « nous sommes en retard de cent ans sur nos inventions », il fait preuve dans l’ensemble de son œuvre d’une rare clairvoyance, pressentant, tel un Jules Verne ingénieux et synthétique, l’aviation, les voyages dans l’espace, la réaction en chaîne et l’arme nucléaire, la télévision par satellite et même un vague cousin d’Internet, qu’il nommera le « cerveau mondial ».

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Source: Le Monde