Baisse des prix de parts des SCPI : quels impacts pour les épargnants ?

July 26, 2023
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Par Léo Monegier

Publié le 26 juil. 2023 à 11:50 Mis à jour le 26 juil. 2023 à 13:26

AEW avait ouvert le bal début mars, en annonçant une baisse de prix de part de 8,5% pour sa SCPI Lafitte Pierre. C’est un poids lourd du secteur, Amundi, qui cette fois-ci vient d’en faire de même pour trois de ses SPCI : le groupe a abaissé les prix de souscription de plus de 17% pour Génépierre, comme l'a révélé L’Agefi, de 14 et 12% respectivement pour Edissimo et Rivoli Avenir Patrimoine. En cause : « la hausse des taux d’intérêt et l’inflation qui ont conduit à décaler les valeurs d’expertise de la réalité, nous explique Marc Bertrand, directeur général d'Amundi Immobilier. Nous avons choisi de baisser les prix de parts, Amundi considérant qu’il est de sa responsabilité d’être au prix juste ». Cela dit, l'heure n'est « pas au catastrophisme », insiste le dirigeant, les revenus restant stables pour les porteurs de parts. « Le maître-mot est le suivant : le revenu est là, nous leur disons qu’il est essentiel de rester investi car ce serait le pire moment pour sortir sauf cas particuliers (vente dans le cadre de succession…) ».

Si le phénomène semble isolé - il s'agit de trois SCPI sur plus de 200 sur le marché - à eux trois, ces véhicules représentent (avant la décote) une capitalisation de plus de 9 milliards d’euros, soit près d’un dixième de l’ensemble du marché (93,5 milliards d’euros au 30 juin selon les chiffres Aspim/IEIF). Qui plus est, il y a tout lieu de penser que, comme nous l’évoquait il y a quelques semaines Raphaël Oziel, fondateur de La Boutique des Placements et fin observateur du secteur, le mouvement ne fait sans doute que commencer.

Toutes les SCPI pas touchées de la même manière

Faut-il dès lors craindre un krach, voire une crise de liquidités ? Il s'agit d'abord de bien comprendre ce qu'il se passe. « Dans le contexte actuel de hausses des taux d'intérêt décidées par la BCE pour faire face à l'inflation, nous assistons depuis l’été 2022 à un phénomène global de correction des valeurs sur les actifs immobiliers, explique Jean-Marc Coly, président de l’Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim). Ce phénomène ne touche pas l'ensemble des classes d'actifs de façon homogène. Nous observons par exemple une bonne tenue des valorisations sur les actifs de santé, l’hôtellerie et les commerces. L'immobilier de bureau est davantage concerné mais, là encore, de façon différente en fonction de la localisation et la qualité des actifs ».

Toutes les SCPI ne sont donc pas logées à la même enseigne face à cette conjoncture difficile. « Certaines, qui ont été prudentes et ont peu collecté, ou qui ont été lancées récemment, vont probablement prospérer. D'autres, comme celles très concentrées à Paris, pourraient connaître des difficultés en raison des fluctuations du marché immobilier. Certaines pourraient même devoir réévaluer leurs prix de part », analyse Jonathan Dhiver, fondateur de MeilleureSCPI.com. Ainsi, d'après l’expert, le marché peut même être propice à l'achat pour certains. « Les SCPI, qui investissent en cash et sans conditions de financement, ont réussi à saisir des opportunités qui n'étaient pas disponibles il y a 1 à 2 ans ». Corum L'Epargne, société qui gère trois SCPI, n'entend pas procéder à de nouvelles expertises, et affiche une collecte record de plus de 600 millions d'euros au premier semestre. Pour autant, la société de gestion ne s'étonne pas d'un tel mouvement après que beaucoup ont acheté au plus haut. «J'ai toujours dit qu'il fallait être prudent dans les investissements, nous avons pendant longempts freiné la collecte, indique Frédéric Puzin, président de Corum. Quand on achète très cher, attention à ne pas subir la bulle inflationniste ». De son côté, Julien Ribes, fondateur de MySCPI.com, estime qu'il faudra surveiller la capacité des SCPI à absorber la baisse des prix. « Le marché des parts en attente, en hausse, n’envoie pas forcément de très bons signaux. On ne peut pas écarter une crise de liquidité sur les SCPI qui ne sont pas très attractives, notamment en termes de rendement ».

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Sélectivité et prudence

Désormais, pour Julien Ribes, il convient d'y regarder de près : « les SCPI jeunes, à faible capitalisation et/ou diversifiées peuvent être à privilégier. Sur la thématique, il vaut sans doute mieux éviter le bureau en ce moment ». Beaucoup vantent les jeunes pousses du marché. Est-ce que pour autant il faut se lancer à l’aveugle dans une SCPI récente, assortie le plus souvent d'un rendement très attractif ? « Gare à la décote, dont on ne sait pas jusqu'où elle peut aller : beaucoup misent sur un rebond très rapide, des marchés très résilients, à l’international par exemple, or rien n’est moins sûr, avertit Julien Ribes. Certains marchés corrigent très rapidement, d’autres, comme la France, très lentement. Dans bien des cas, il est donc judicieux d’attendre ».

Pour l'avenir, la prudence prédomine. « Le rythme d’inflation semble se calmer, mais il reste à un niveau supérieur à ce qu’il était auparavant. Si les taux se stabilisent, la propagation de « l’effet taux » devrait s’achever dans le courant de cette année, indique-t-on chez Amundi. Notre anticipation est que l’irruption de l’inflation n’étant pas a priori un phénomène passager, on s’oriente plutôt vers une stabilisation des taux et donc potentiellement des valeurs ». Côté rendements, pas d'inquiétudes sur l'année du moins. « Sur l'ensemble de l'année 2023, la performance moyenne des SCPI devrait être au moins identique à 2022, soit 4,5 % », conclut Jean-Marc Coly.

Source: Investir