" Ils veulent nous tuer " : en Tunisie, le désespoir des migrants subsahariens expulsés dans le désert

July 26, 2023
100 views

Des migrants subsahariens abandonnés dans le désert à la frontière entre la Tunisie et la Libye, le 16 juillet 2023. MAHMUD TURKIA / AFP

Quatre jours sont passés depuis que Samuel est sorti des entrailles du désert, mais le Sierra-Léonais de 25 ans ne comprend toujours pas pourquoi les autorités tunisiennes ont fait cela. Pourquoi l’ont-elles abandonné avec sa femme et plusieurs centaines de personnes dans cette zone militaire qui borde la frontière libyenne et la mer Méditerranée, le 5 juillet, sans eau ni nourriture ? « Pourquoi ?, implore-t-il inlassablement. Pourquoi nous ont-ils mis dans le désert ? Pourquoi nous ont-ils déportés ? Pourquoi les gardes nationaux nous ont-ils battus ? Pourquoi ont-ils détruit mon passeport ? Pourquoi ne peuvent-ils pas utiliser des avions pour nous expulser ? Ils veulent nous tuer. »

Assis à une terrasse de café à Médénine, dans le sud-est de la Tunisie, où il a trouvé refuge, ce jeune exilé qui préfère user d’un nom d’emprunt – comme les autres migrants rencontrés – raconte l’enfer qu’il a vécu. L’émotion le submerge mais lorsqu’il reprend ses esprits, il insiste pour montrer les séquelles sur son corps. Sa jambe est couverte d’ecchymoses laissées, dit-il, par les coups de matraque d’un membre des forces de sécurité tunisiennes. Ses bras et son torse sont tailladés par les fils barbelés qu’il a dû traverser pour aller chercher de l’eau potable en territoire libyen, faute d’en avoir reçu de ce côté de la frontière. Le reste de son corps est parsemé d’égratignures dues à plusieurs nuits à dormir à même le sol.

Face à lui, son épouse, Mariama, 18 ans, cache un autre type de blessure. « Nous avons beaucoup souffert là-bas. J’étais enceinte et j’ai perdu mon bébé à cause du manque d’eau et de nourriture. Les gardes nationaux m’ont battu, moi, mes sœurs et les enfants », raconte la jeune femme. Malgré leurs traumatismes, le couple fait partie des miraculés. D’autres n’ont pas survécu à cet enfer. Le 19 juillet, les corps sans vie d’une migrante et de sa fille ont été retrouvés par des gardes frontaliers libyens, comme le montre une photographie partagée par le journaliste Ahmad Khalifa sur Twitter. Elles s’appelleraient Fati Dosso, 30 ans, et Marie, 6 ans, et seraient originaires de Côte d’Ivoire.

Découvertes macabres

L’image de ces victimes de la fournaise et de la politique migratoire de Tunis, appuyée par l’Union européenne (UE), témoigne de l’ampleur de la crise humanitaire qui se joue aux frontières de la Tunisie. Ces derniers jours, les découvertes macabres se sont poursuivies : au moins cinq autres corps auraient été retrouvés, alors que les températures dépassent allègrement les 40 °C. Le désert se transforme peu à peu en charnier.

Il vous reste 67.58% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source: Le Monde