" Ils ont cloné Tyrone ", sur Netflix : " blaxploitation ", paranoïa et comédie de science-fiction

July 27, 2023
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Fontaine (John Boyega), Yo-Yo (Teyonah Parris) et Slick Charles (Jamie Foxx), dans « Ils ont cloné Tyrone », de Juel Taylor. PARRISH LEWIS/NETFLIX

The Glen, le quartier dans lequel subsistent Fontaine (John Boyega), le dealeur, Slick Charles (Jamie Foxx), le mac qui ne sait pas se taire, et Yo-Yo (Teyonah Parris), l’employée de ce dernier qui aurait voulu et (on s’en apercevra bientôt) aurait pu devenir journaliste d’investigation, est une synthèse de tous les ghettos afro-américains que l’on a vus au cinéma depuis les années 1960.

Les personnages se meuvent dans une lumière incertaine qui atténue la férocité des contours et assourdit les couleurs (l’image est de Ken Seng), entre une supérette sordide, des pavillons qui tombent en ruine, des points de deal bien achalandés, une boîte qui emploie les jeunes femmes qui ne sont pas sur le trottoir. Comment renouveler les histoires nées de cet environnement, comment s’extraire de cette gangue de désespoir ?

Juel Taylor, dont c’est le premier long-métrage, a tourné le dos aux genres cinématographiques (polar, drame social) qui sont associés aux ghettos pour faire de Ils ont cloné Tyrone une comédie de science-fiction, se nourrissant aussi bien des figures héroïques et imparfaites nées dans les années 1970, au temps de Shaft (Gordon Parks, 1971 et 1972 ; John Guillermin, 1973) et de Super Fly (Gordon Parks Jr., 1972), que de la littérature enfantine d’antan (l’une des références majeures du film est Nancy Drew, adolescente détective, connue en France et dans la Bibliothèque verte sous le nom d’Alice Roy).

Cette combinaison passéiste est plongée dans un bain de paranoïa tout à fait contemporain (on retrouve le procédé dans la bande originale, qui fait se rencontrer Erykah Badu et Diana Ross) et en émerge triomphante : Ils ont cloné Tyrone surprend et ravit, trouvant dans son trio d’interprètes la combinaison idéale de rage (John Boyega), de charme (Jamie Foxx) et d’acuité (Teyonah Parris).

Expérimentations médicales

Quand on le rencontre, Fontaine n’est qu’un dealeur d’héroïne ordinaire, capable du meilleur – s’occuper de sa vieille mère, donner un coup à boire au mendiant à la sortie du supermarché – comme du pire – renverser délibérément un revendeur qui s’est aventuré sur son terrain. En représailles à cette agression, Fontaine est criblé de balles et laissé pour mort après les constatations d’usage, ce qui ne l’empêche pas de réapparaître le lendemain, sans susciter grande émotion dans une communauté qui vit à la frontière entre la vie et la mort.

L’enquête qu’entame le jeune homme en compagnie de Slick Charles et de Yo-Yo (il sera aussi question de Scooby-Doo au fil de dialogues généralement brillants, parfois surabondants) mène à la découverte de l’addition de produits psychotropes et addictifs aux biens de consommation courante de The Glen – poulet frit ou lotions démêlantes et lissantes. Ces poisons sont sécrétés par un gigantesque laboratoire souterrain qui a transformé tous les habitants du quartier en sujets d’expérience.

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Source: Le Monde