Mondiaux d’escrime : "Nous ne leur serrerons jamais la main", insiste l'Ukrainienne Olga Kharlan
L'escrimeuse ukrainienne est revenue sur sa disqualification jeudi, pour ne pas avoir échangé de poignée de main avec son adversaire russe Anna Smirnova, qu'elle avait battue.
Entre le moment où vous avez appris que vous seriez autorisée à participer par votre gouvernement et l'annonce de votre disqualification, cela a dû être un raz-de-marée d'émotions...
Olga Kharlan : Oui, je savais que ce serait comme ça. La journée a été très dure. Quand j'ai compris hier (mercredi) que je pourrais faire de l'escrime, la nervosité m'a rattrapée. À ce moment, la question n'était plus de savoir si j'allais tirer ou pas mais comment j'allais aborder ce match contre une Russe, enfin une athlète neutre... Donc j'ai commencé à réfléchir, à canaliser mes émotions, j'ai fait mon travail et plutôt bien puisque j'ai gagné 15-7. C'était un trop-plein d'émotions. Quand j'ai quitté la piste, je suis tombé à genoux au premier coin et je me suis mise à pleurer si fort. C'est tellement dur pour nous, ne serait-ce que de les voir (les Russes). Mais il faut les affronter, nous le savons, et c'est ce que j'ai fait. Le carton noir (synonyme de disqualification, NDLR), je ne m'y attendais pas car j'avais eu une conversation avec le président de la Fédération internationale d'escrime (Emmanuel Katsiadakis, NDLR).
Que vous a-t-il dit ?
Je ne dirais pas qu'il m'a promis quoi que ce soit. Mais nous avions parlé de l'éventualité de cette situation. Je lui ai dit qu'il était possible que je participe à la compétition et qu'il fallait s'attendre à des provocations des Russes. Tendre sa main, c'en est une, une énorme. Il suffisait de se checker normalement avec la lame du sabre et c'était tout, on pouvait passer à autre chose. Ce n'est pas ce qu'elle a fait (Anna Smirnova). Le président m'avait dit qu'il était possible de ne pas se serrer la main. Je pensais avoir sa parole, être à l'abri, apparemment, non. (...) Cette Fédération (présidée par l'oligarque russe Alisher Usmanov jusqu'à l'invasion de l'Ukraine, NDLR) ne changera jamais. En tout cas je ne sais pas si je serai toujours vivante si ça finit par arriver. J'espère que le monde de l'escrime comprend. Pas seulement que quelque chose va mal mais qu'il faut agir pour que ça change. Parce que les gars aujourd'hui, c'est moi, demain ça peut être toi.
Cette disqualification ainsi que la suspension vous ont sans doute coûté votre place aux Jeux olympiques de Paris 2024...
Tout ce que je sais, c'est que j'ai vraiment fait le bon choix. Vous savez, des médailles, j'en ai. Je suis championne olympique (par équipes en 2008), je suis quadruple championne du monde. Mais il y a quelque chose de plus important que les médailles: mon pays, ma famille. Je ne pouvais tout simplement pas lui serrer la main. Je ne souhaite à personne de se trouver dans ma situation ni celle de mon pays. J'espère qu'un jour les gens comprendront. Mon téléphone sature. J'ai reçu du soutien de tellement de gens... du gouvernement, d'athlètes, de célébrités et aussi de soldats en première ligne. Un gars qui pilote un hélicoptère m'a envoyé une vidéo pour me dire qu'il était fier de moi. Ça me met en pleurs parce que je leur suis très reconnaissante. Et s'ils sont fiers de moi, c'est que j'ai fait quelque chose qui m'a coûté cher.
Quelque chose de symbolique aussi ?
Mon message aujourd'hui, c'est que nous les athlètes ukrainiens nous sommes prêts à affronter les Russes sur les terrains de sport ou sur les pistes mais nous ne leur serrerons jamais la main. Ils ne nous forceront jamais à la paix. C'est ce qu'ils font en ce moment dans mon pays, ils nous forcent à déposer les armes et à faire la paix. Nous ne ferons jamais la paix. Nous pouvons les affronter dans le respect sur la piste mais nous ne leur serrerons jamais la main.
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Source: Le Figaro