La petite histoire du ticket de caisse, ce compagnon du quotidien des consommateurs
L’impression du ticket ne sera plus automatique dans de nombreux cas à partir du 1er août. Pourtant, les acheteurs restent attachés à cet objet.
Il n'est pas rare qu'il encombre notre portefeuille ou qu'on le retrouve chiffonné au fond d'un sac ou d'une poche. Le ticket de caisse, ce petit objet du quotidien, qu’on dédaigne autant qu’on a du mal à s'en séparer, garde une place notable dans le cœur des consommateurs. D’un côté, 54% des Français avouent avoir une accumulation de tickets papier dans leur portefeuille ou leur vide-poches, selon une étude OpinionWay de mars 2023, et près de 40% le jettent directement après l'achat. De l’autre, l’écrasante majorité d’entre eux le voient comme le moyen de vérifier le détail de leurs achats, et les deux tiers l'utilisent pour faire leurs comptes. Pourtant, cet outil bien connu des consommateurs est dans le collimateur des autorités. La loi AGEC, rend ainsi facultative son impression à partir du 1er août.
Ce petit bout de papier a une place de choix dans l'histoire, aussi vieille que l'écriture elle-même. Au troisième millénaire avant notre ère les tablettes d'argiles babyloniennes permettaient déjà aux commerçants de garder une trace de leurs échanges. Une pratique essentielle pour l'époque puisque, selon la spécialiste de la période Catherine Mittermayer, ces preuves d'achats étaient soigneusement conservées. «Contrairement à nous, ils ont gardé ces tickets de caisse et les archives de ces tickets, comme des carnets de compte», expliquait-elle à la télévision suisse en 2018.
Plus récemment, le ticket s’est répandu au XIXe puis au XXe siècle, accompagnant aussi le développement de la société de consommation. Sa forme a changé, à mesure que les outils évoluaient, de la caisse enregistreuse à la caisse automatique, au fil des décennies. Il s’est finalement retrouvé mêlé aux enjeux sanitaires des perturbateurs endocriniens, avec l'interdiction du Bisphénol A dans les tickets en 2015. Le développement de cet objet est impressionnant : aujourd’hui, plus de «30 milliards de tickets de caisse, de carte bancaire et bons d’achat» sont imprimés chaque année en France, selon le gouvernement.
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Objet d’archive
Au fil des ans, le ticket s’est véritablement installé dans le quotidien des consommateurs, devenant à la fois un compagnon indispensable pour gérer un budget, et un objet d’art, pour certains. Il raconte aussi une histoire personnelle, rappelant un achat et un moment de vie. «C'est une archive au sens propre du terme, mais une archive qui dit énormément de choses des personnes qui les constituent malgré elles» selon l’artiste Anne-James Chaton, qui s’est inspiré de tickets de caisse pour réaliser des Portraits.
Le ticket imprimé a même trouvé un champion moderne, en la matière en la personne de Patrick Bellois. Ce retraité de 72 ans s'est fait connaître pour avoir conservé l'intégralité de ses tickets de caisse depuis 1967. «Je tiens ça de ma mère», confiait-il au Parisien en 2022. Sa consignation méthodique de ses achats est une véritable plongée dans l'évolution des prix et de la vie économique, d'autant plus éclairante en période d'inflation. Le retraité fait donc partie de ceux qui n'accueillent pas la réforme avec enthousiasme. «Je continuerai de les demander, systématiquement, je vais entrer en résistance !», lançait-il, bravache.
L'attachement au ticket n'est cependant plus universel. Déjà, 73% des Français se disent en faveur de sa suppression, malgré les craintes suscitées ; et dans les commerces, le ticket bat en retraite. «42% de nos transactions sont faites sans ticket de caisse papier» en mars 2023, selon le responsable SI des caisses du groupe Mousquetaires, David Gilanton. Du côté de Systeme U, même constat, puisque la non-impression atteint 48% des transactions. Un constat à relativiser en partie : pour les enseignes d'électroménager et de luxe, où les achats plus importants, le ticket reste une solution «évidente» et «pratique», aussi bien pour les clients que pour les commerçants, dans les situations où il faut présenter son ticket, ou tout simplement pour éviter de donner ses données personnelles.
Ce désamour du ticket est en réalité géographique et, surtout, générationnel. Selon le groupe Carrefour, l’impression du ticket n’est que légèrement plus importante en milieu rural. En revanche, le ticket est solidement ancré chez les seniors, mais il disparaît largement chez les moins de 35 ans, «plus adeptes de l'application mobile, sur laquelle ils peuvent retrouver l'ensemble de leurs tickets de caisse en version dématérialisée.»
Si les acteurs de la dématérialisation du ticket, comme l'entreprise Killbills, parlent «d'histoire ancienne» pour le ticket en prêchant pour un passage au numérique au plus vite, d'autres prétendent que le papier va rester faute d'obligation légale à numériser. «La loi s'est arrêtée au milieu du chemin parce qu'elle a dit qu'on arrêtait d'imprimer systématiquement les tickets, mais elle n'a pas dit de dématérialiser, alors que c'est la solution évidente de la suite de l'histoire», explique Franck Charton, Délégué Général Perifem, qui représente les enseignes de la distribution physique. La tendance est là, et de nombreuses solutions apparaissent pour répondre à de nouveaux besoins : envoi de ticket par mail ou SMS, ticket consultable en ligne sur son compte, à télécharger par QRcode ou par NFC, ou encore intégrable à un portefeuille numérique (wallet), les prétendants au remplacement ne manquent pas. En attendant, le papier fait de la résistance.
Source: Le Figaro