Au camping, la bataille des sanitaires : " Il est où le plaisir de camper, si on n’a pas son rouleau à la main ? "
LIBERTY AZENSTARCK
Au camping du Brévedent, près de Pont-l’Evêque, dans le Calvados, quand Raphaël Bony a formé ce matin-là une saisonnière nouvellement arrivée, il a insisté sur les toilettes, rouleaux de papier à la main. « Ça va occuper une grosse partie des journées », l’a-t-il prévenue. Beaucoup de campings jouent leur réputation sur la qualité et la bonne tenue des sanitaires, éléments marquants et marqueurs. « Sanitaires impeccables. » « Sanitaires un peu vétustes. » « Des sanitaires qui ne peuvent que rendre heureux ceux qui s’y rendent. » « A mon arrivée vers midi, les sanitaires étaient propres mais, le soir, c’était l’apocalypse ! » A lire les avis Google formulés pour chaque établissement, on en vient à se demander si c’est au camping ou aux toilettes qu’on part en vacances…
Les sanitaires sont le point névralgique d’un camping. C’est là que les campeurs en tente rechargent leur téléphone en se brossant les dents. C’est à la porte des petits coins que le camping Les Ilots de Saint-Val (Eure-et-Loir) affiche le menu du food-truck qui passera dans la journée. Et, bien sûr, c’est autour des grands lavabos, où sont frottés les slips et récurées les gamelles, que se nouent des amitiés, que l’on se cherche, parfois, du regard… Un monde où les tâches ménagères sont réparties, presque équitablement, entre hommes et femmes. « Tous les ans, je me dis, c’est beau les hommes qui font la vaisselle », s’émeut Jessica, la femme de Raphaël Bony, gérant du Brévedent. Notons que, dans les campings, ces zones consacrées à la propreté sous toutes ses formes n’ont pas attendu les débats sur les questions de genre pour être généralement mixtes.
L’évolution des sanitaires raconte celle du monde du camping. Ils ne jouent plus le même rôle depuis le développement des formules locatives, les mobil-homes disposant souvent de leur point d’eau. Il y a aussi les zones de délestage pour les W.-C. chimiques des camping-cars, très peu glamour. Malgré ces mutations, certains fondamentaux ne changent pas.
L’eau chaude à partir des années 1970
Dans le film Camping (de Fabien Onteniente), Michel Saint-Josse, chirurgien esthétique joué par Gérard Lanvin, accidentellement arrivé dans ce lieu d’hôtellerie de plein air, demande qu’on lui glisse des feuilles de papier sous la porte des lieux d’aisances. Les campeurs comprendront : il faut ne jamais être allé au camping – comme ce bourgeois – pour ignorer qu’on y apporte son papier. Mais le film date de 2006. Or, « depuis dix ans, il y a du papier toilettes partout ! », assure Jean-Guy Amat, DG du Yelloh ! Village Le Sérignan-Plage, à Sérignan (Hérault), et président du Comité exécutif national des chaînes et des groupes de campings. Partout… ou presque. Pas au Camping de Chartres, où Alan Perny, qui le dirige, s’y oppose : « On n’est pas une aire d’autoroute ! Il est où le plaisir du camping si on n’a pas son rouleau à la main ? » Pas plus qu’il n’y en a au camping écoresponsable Le Valserine, dans l’Ain. « C’est comme si on fournissait le gel douche ou le dentifrice ! », s’exclame Samuel Ringot, le gérant.
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Source: Le Monde