Tesla rentre-t-il dans le rang ?
Présence dans les salons, premières publicités, promos pour écouler les stocks : Tesla donne l’impression de devenir un constructeur comme les autres.
Bonne nouvelle pour les organisateurs du Salon de Munich. Tesla participera à l’événement, qui se tiendra début septembre. Un choix doublement surprenant. D’abord parce que les forces en présence ne sont pas nombreuses, les constructeurs étant de moins en moins enclins à participer à ces grands barnums, qu’ils jugent trop coûteux (cette année, il y a surtout les allemands, qui jouent à domicile, et les chinois, en quête de visibilité).
Ensuite, Tesla s’est toujours fait rare dans les grands salons internationaux, même avant qu’ils ne soient plus à la mode. La marque n’avait par exemple pas offert un grand bain de foule de ce genre en Europe en avant-première pour la Model 3, visible de façon détournée en 2018 à Genève, sur un stand non Tesla !
D’une certaine manière, au Salon de Munich, Tesla joue un peu à domicile aussi, puisque sa Gigafactory européenne est en Allemagne (Berlin), et qu’il compte d’ailleurs en doubler sa capacité pour la porter à un million de véhicule. Si sa présence ne sera pas conventionnelle, Tesla devant exposer ses voitures en ville, sur la Königsplatz, c’est un nouveau signe d’un changement de stratégie dans la communication de la marque.
Le plus important a été annoncé par Elon Musk en personne en début d’année. En 2023, Tesla commence à faire de la publicité ! De premières campagnes payantes sont ainsi apparues il y a quelques semaines sur Google aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
Et il n’y a pas que du côté de la communication que Tesla change de braquet. C’est aussi le cas sur la stratégie commerciale. Depuis le début d’année, le constructeur se fait très agressif. Il y a bien sûr les fortes baisses de prix opérées sur toute la gamme, et plus particulièrement les Model 3 et Model Y. A cela s’ajoute un autre élément : les remises.
Tesla vend plus que Citroën
Le rabais était quasi inexistant chez Tesla, pour qui on avait l’habitude de dire « le prix affiché est le prix payé ». Ce n’est plus valable, car depuis plusieurs mois, les bonnes affaires se multiplient sur le site de la marque. Exemple en ce moment (mi-juillet) : des versions Propulsion de la Model 3, dont le prix a déjà chuté à 41.990 €, soit 36.990 € avec le bonus, sont à 35.730 € grâce à un « réajustement tarifaire » de 1.260 €. Oui, le mot « remise » reste trop grossier pour le constructeur.
Des Model Y Propulsion sont pour leur part régulièrement affichés avec 1.000 € de promo pour être à 39.990 € bonus déduit, un prix qui assomme la concurrence. Et ça marche, au point que le Model Y a réussi une performance folle : s’emparer de la tête des ventes de voitures en Europe sur l’ensemble du premier semestre 2023, tous modèles confondus !
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Tesla n’a donc plus rien d’un petit constructeur de niche. Il est devenu une marque à grand volume, dépassant en 2022 le cap du million de véhicules écoulés dans le monde en une année. C’est plus que Citroën, marque centenaire ! Et la firme ne compte évidemment pas s’arrêter en si bon chemin, Elon Musk ayant des ambitions démesurées, au point d’évoquer le nombre fou de 20 millions de véhicules vendus par an. Le double de ce que fait le groupe Toyota actuellement !
Si le score de 20 millions semble très loin (et pour l’instant peu probable), Tesla continue de progresser à grande vitesse, visant pour 2023 1,8 million de ventes. Mais pour vendre toujours plus, Tesla a donc du rentrer dans le rang et reprendre en partie les les méthodes de communication et de ventes des marques généralistes.
Une mauvaise image de voitures de riches
Tesla avait à coeur de ne pas faire comme les autres, considérant que la notoriété du label, vu comme l’Apple de l’automobile, et les relais de ses fans pouvaient suffire. De quoi faire des économies ! Mais il lui faut désormais aller au delà du cercle de connaisseurs passionnés, ou de ceux qui découvrent grâce à un proche. D’autant qu’auprès du grand public, il faut aussi décrire des produits dont l’image peut être erronée.
Tesla s’est fait connaître avec des modèles haut de gamme très onéreux, qui demandent de signer un chèque à six chiffres. Sauf que son coeur de métier est maintenant axé sur des modèles nettement plus abordables, dont les prix sont mine de rien semblables à ceux des marques généralistes. Une Model 3 est au prix d’une 308 diesel ! Tesla doit donc le faire savoir à des clients qui pensent qu’une Tesla est un objet de riche.
Vu les volumes et enjeux financiers, Tesla ne pouvait garder l’esprit start-up des débuts. La marque ne peut donc indéfiniment se tenir éloignée de canaux de communication où les marques automobiles sont très présentes, à commencer par la publicité donc, qu’elle s’était toujours refusée à faire. D’autant que la concurrence communique abondamment sur ses produits anti-Tesla !
Du côté des ventes, si la bonne image de la marque et les qualités des véhicules n’incitent pas à brader, dans la mesure où Tesla veut faire tourner à fond ses méga-usines, il n’a d’autre choix que de faire des opérations commerciales pour que rien ne reste trop longtemps en stock. Tesla garde toutefois sa particularité d’un réseau de concessions réduit au minimum, misant essentiellement sur la vente en ligne.
Passant de la marque de niche au grand constructeur généraliste, Tesla se doit forcément de changer. La marque américaine évolue toutefois à petites doses. Sa présence dans les grands salons restera événementielle, ses débuts dans la pub sont bien légers, pendant que la concurrence y accorde un budget colossal. Sa meilleure stratégie de com reste le coup d’éclat, toujours abondamment relayé par la presse. Tesla n’a pas eu à faire la pub de ses baisses de prix, elles ont fait d’elles même le tour du Web. Preuve que la marque a encore un statut à part.
Le succès du Model Y prouve d’ailleurs que Tesla n’a pas encore besoin de faire plus pour l’instant. Mais jusqu’à quand ?
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Source: Automobile Propre