Pierre Castel, brasseur de fortune en Afrique

July 30, 2023
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Pierre Castel, à Bordeaux, en mai 2019. GEORGES GOBET / AFP

Quel nom bien trouvé que celui du « Frigidaire » ! Au début des années 1960, ils ne sont pas nombreux les bars de Libreville qui offrent de la clim et une bière bien fraîche. Un soir, parmi les clients venus échapper à la moiteur du golfe de Guinée, il y a là Pierre Castel, un Français qui vend des vins d’entrée de gamme importés par vraquier de son Bordelais natal. Il a dans les 35 ans, la taille moyenne, le sourcil noir épais.

Un jeune homme l’aborde, se présentant comme secrétaire à la présidence et l’invitant dès le lendemain au palais. Le négociant se rend au rendez-vous, sans vraiment savoir si cet Albert-Bernard Bongo – qui deviendra plus tard président – est un proche du chef de l’Etat ou un margoulin. Mais c’est bien le président du Gabon qui le reçoit. Léon Mba s’agace de dépendre du Cameroun voisin pour approvisionner son pays en bière. « Montez une brasserie, on vous soutiendra », met-il au défi Pierre Castel, qui a raconté l’anecdote dans une rare interview au Monde en 2013. Totalement novice, le Français se lance en échange d’un terrain.

Au Frigidaire s’est amorcée la construction d’un empire de la bière qui, soixante ans plus tard, cumule 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et revendique 40 000 employés dans une vingtaine de pays africains. La branche vin, qui a survécu, est beaucoup plus petite mais néanmoins considérable : avec 1 milliard d’euros de revenus annoncés, elle se place aux rangs de numéro un français et numéro deux européen grâce à ses marques Baron de Lestac (une anagramme de Castel), Malesan ou Listel.

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Pierre Castel, 96 ans, dixième fortune française selon le magazine Challenges (avec 13,5 milliards d’euros en 2022), n’est évidemment pas africain. Mais son nom est bien plus connu sur le continent que dans l’Hexagone. Le poids de ses brasseries est significatif dans de nombreuses économies, surtout francophones, parfois comme premier contribuable (Centrafrique, Tchad) ou premier employeur (Centrafrique encore, Burkina Faso).

Ses positions peuvent être extrêmement dominantes, voire monopolistiques. Populaire dans les « maquis » d’Abidjan, ces gargotes en plein air, sa Bock totalise à elle seule 60 % du marché ivoirien de la bière, selon l’entreprise. Même tableau avec la Simba dans les « ndanga » de Lubumbashi ou la Pils dans les « foufou-bars » de Lomé.

« J’avais faim et de l’ambition »

Jesus Sebastian Castel (selon l’état civil) est d’origine espagnole (Pierre est son nom de baptême). L’histoire veut que ses parents, très modestes, aient immigré en France pour travailler comme ouvriers viticoles dans le Bordelais, où il naît en octobre 1926, sixième d’une fratrie de neuf. Les enfants aident aux vignes après l’école. « J’avais faim et de l’ambition. Je ne voulais pas pousser la brouette toute ma vie », a-t-il déclaré à Challenges.

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Source: Le Monde