Une intervention militaire au Niger serait " une déclaration de guerre " au Burkina Faso et au Mali, menacent les deux pays
Une manifestation au Niger, à Niamey, le 30 juillet 2023. SAM MEDNICK / AP
Une intervention militaire au Niger pour rétablir le président élu Mohamed Bazoum, renversé par un putsch, serait considérée comme « une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali », indique lundi 31 juillet un communiqué conjoint des gouvernements de Ouagadougou et Bamako.
Les deux gouvernements, eux-mêmes issus de coups d’Etat, « avertissent que toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali », au lendemain d’une menace d’usage de « la force » par les dirigeants ouest-africains réunis à Abuja, la capitale du Nigeria.
La France, ex-puissance coloniale au Niger et soutien indéfectible du président Bazoum, apparaît comme la cible privilégiée des militaires ayant pris le pouvoir le 26 juillet. « Dans sa ligne de conduite, allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l’état-major de la garde nationale du Niger, pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires » afin de rétablir M. Bazoum, disait lundi un communiqué de la junte.
Démenti de Paris
Le président français, Emmanuel Macron, avait menacé dimanche de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger, tandis que le Quai d’Orsay a rappelé dimanche et lundi « les obligations qui incombent à tous en matière de protection des emprises et personnels diplomatiques, ainsi que des résidents étrangers ».
Les militaires nigériens qui ont renversé le président élu, Mohamed Bazoum, ont accusé la France de « vouloir intervenir militairement ». « C’est faux », a répondu la ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna, sur BFM-TV. « La seule priorité de la France, c’est la sécurité de ses ressortissants. (…) Les mesures que nous prenons, ce sont uniquement des mesures destinées à assurer la sécurité de nos compatriotes. »
Le chef d’État du Burkina Faso, Ibrahim Traore, serre la main du président russe Vladimir Poutine, à Saint Petersbourg, le 29 juillet 2023. ALEXEY DANICHEV / AFP
Au lendemain d’une manifestation de soutien à la junte devant l’ambassade de France, Mme Colonna a aussi démenti « clairement et fermement » les allégations de certains responsables nigériens qui ont évoqué auprès de la presse des tirs français à balles réelles sur les manifestants. « Ce qu’on a vu [dimanche], c’est une manifestation qui était organisée, non spontanée, violente, extrêmement dangereuse, avec des cocktails molotov, des drapeaux russes, des slogans antifrançais… tous les ingrédients de la déstabilisation à la mode russo-africaine », a-t-elle souligné sur BFM-TV.
Mme Colonna a aussi estimé qu’il était « possible » de rétablir dans ses fonctions le président Mohamed Bazoum, élu démocratiquement. « Et c’est nécessaire, car ces déstabilisations sont périlleuses pour le Niger et ses voisins. »
L’UE dénonce la poursuite des arrestations de Ministres et de hauts fonctionnaires du Gouvernement du Président @mohamedbazoum par les putschistes au #Niger.
Nous appelons à leur libération immédiate. — Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) July 31, 2023
L’Union européenne a condamné lundi l’arrestation par la nouvelle junte nigérienne de ministres du gouvernement déchu et a exigé leur libération immédiate. « L’UE dénonce la poursuite des arrestations de ministres et de hauts fonctionnaires du gouvernement du président Mohamed Bazoum par les putschistes au Niger », a déclaré Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’UE, sur Twitter, rebaptisé X. « Nous appelons à leur libération immédiate », a-t-il ajouté. Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), a dénoncé les « arrestations abusives » de quatre ministres - Intérieur, Pétrole, Mines et Transports - ainsi que le chef de son comité exécutif national.
Ultimatum
Ouagadougou et Bamako « préviennent que toute intervention militaire contre le Niger entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger ».
Ils « mettent en garde contre les conséquences désastreuses d’une intervention militaire au Niger qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la région ». Ils ajoutent qu’ils « refusent d’appliquer » les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériens » décidées à Abuja.
Le président russe Vladimir Poutine avec le chef d’État du Mali, Assimi Goïta, à Saint Petersbourg, le 29 juillet. MIKHAIL METZEL / AFP
Dimanche, les dirigeants de la Cédéao ont fixé un ultimatum d’une semaine à la junte militaire au Niger pour un « retour complet à l’ordre constitutionnel », affirmant ne pas exclure un « recours à la force » si ce n’était pas le cas.
Ils ont également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses Etats membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d’Etat.
Dans un communiqué séparé, la Guinée dont le gouvernent est également issu d’un coup d’Etat, « exprime son désaccord concernant les sanctions préconisées par la Cédéao, y compris une intervention militaire » et « a décidé de ne pas appliquer ces sanctions qu’il considère comme illégitimes et inhumaines ». Conakry « enjoint la Cédéao à reconsidérer sa position ».
Source: Le Monde