Sénégal : l’opposant Ousmane Sonko arrêté, son parti dissout, et les autorités coupent Internet sur mobile
SEYLLOU / AFP SEYLLOU / AFP
INTERNATIONAL - À un peu plus de six mois de l’élection présidentielle, la situation reste explosive au Sénégal. Les autorités ont coupé ce lundi 31 juillet l’accès à internet sur les téléphones mobiles en raison de la diffusion de messages « haineux et subversifs » sur les réseaux sociaux, après les appels à manifester contre l’arrestation d’Ousmane Sonko.
Ce dernier, l’opposant principal au pouvoir âgé de 49 ans et candidat à la présidentielle 2024, a en effet été arrêté vendredi dernier. Ce lundi, il « a été inculpé et placé sous mandat de dépôt » notamment pour « appels à l’insurrection et complot contre l’autorité de l’État », a annoncé à l’AFP un de ses avocats.
Quelques heures plus tard, le gouvernement sénégalais annonçait purement et simplement la dissolution du parti d’Ousmane Sonko, moins de deux heures après son inculpation et son placement en détention. « Le parti politique Pastef est dissous par décret », a annoncé le ministre de l’Intérieur Antoine Diome dans un communiqué, justifiant sa décision par ses appels « fréquents » à des « mouvements insurrectionnels » qui ont fait selon lui de nombreux morts en mars 2021 et juin 2023.
Ces motifs avaient été évoqués pour justifier les coupures d’Internet sur le réseau mobile du pays. « En raison de la diffusion de messages haineux et subversifs relayés sur les réseaux sociaux dans un contexte de menace de trouble à l’ordre public, l’internet des données mobiles est suspendu temporairement sur certaines plages horaires à partir de lundi 31 juillet », expliquait le ministre des Télécommunications et de l’Économie numérique dans un communiqué.
Au moins 16 morts depuis début juin
Toutes ces actions ont eu lieu alors que ce lundi 31 juillet avait vu se multiplier les signes de soutien à Ousmane Sonko. La coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi avait appelé « le peuple sénégalais » à se « rendre massivement » au grand tribunal de Dakar, où l’intéressé était attendu devant un juge.
La présence policière avait été renforcée dans toute la capitale et plusieurs dizaines de policiers, de véhicules anti-émeutes et de barrages filtrants avaient été déployés autour du Palais de justice, alors que des manifestants avaient barré l’autoroute à péage de la ville. La société qui gère le train rapide reliant Dakar à sa banlieue, une filiale de la française SNCF, a annoncé lundi après-midi « l’arrêt de (la) circulation sur toute la ligne en raison d’actes de malveillance » commis par des protestataires.
Des heurts ont également éclaté à Ziguinchor, la grande ville du sud dont Ousmane Sonko est le maire. Des groupes de jeunes mobiles y lançaient des pierres aux policiers qui tentaient de les disperser à coups de grenades lacrymogènes. Plusieurs rues étaient barrées à l’aide notamment de blocs de pierres et de barres de fer par les manifestants, parmi lesquels des femmes, dans plusieurs quartiers de la ville.
L’avocat Juan Branco s’invite dans la danse
L’arrestation d’Ousmane Sonko vendredi a remis de l’huile sur le feu dans ce pays où la tension est déjà extrême. 16 personnes seraient mortes selon les autorités, 30 d’après l’opposition, depuis le 1er juin et la condamnation de l’opposant à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs, un verdict qui le rend inéligible, soulignent ses avocats et des juristes.
Toutefois, l’arrestation de vendredi n’a « rien à voir » avec la première procédure, a indiqué le procureur de la République. Les charges retenues l’ont été sur la base de déclarations qu’il a faites et rassemblements auxquels il a participé depuis 2021 et comprennent :
appel à l’insurrection,
atteinte à la sûreté de l’État,
association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste,
complot contre l’autorité de l’État,
actes visant à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves,
diffusion de fausses nouvelles, ou encore, vol.
En réponse à son arrestation, Ousmane Sonko a annoncé dimanche entamer une grève de la faim. « Face à tant de haine, de mensonges, d’oppression, de persécution, j’ai décidé de résister. J’observe à compter de ce dimanche une grève de la faim », a écrit l’opposant politique sur Facebook, avant d’appeler « tous les détenus politiques à en faire de même ».
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Au cours d’une conférence de presse dimanche à Dakar, les avocats de Sonko ont déclaré que les autorités n’avaient pas respecté les droits de leur client. Parmi eux, le Français Juan Branco, visé par un mandat d’arrêt international émis par le Sénégal le 14 juillet pour des « crimes et délits » en lien avec les troubles survenus début juin au Sénégal.
« Nous n’avons pas peur »
Juan Branco avait annoncé le 22 juin avoir déposé une plainte en France et une demande d’enquête à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye contre le président sénégalais Macky Sall pour « crimes contre l’humanité », après les pires troubles qu’ait connus le Sénégal depuis des années.
« Nous sommes venus ici pour vous dire que nous n’avions pas peur », a déclaré Me Branco lors de la conférence de presse. « Je jure de défendre un homme, Ousmane Sonko, dont le corps porte les espoirs de tout un peuple, et donc, de toute l’humanité », a-t-il ajouté.
Comme le raconte Le Monde, son apparition dans la capitale a surpris tout le monde et même provoqué un certain malaise. Quelques mois plus tôt, en mars, Juan Branco avait été refoulé du territoire à son arrivée à l’aéroport de Dakar. Il aurait cette fois choisi la voie terrestre pour entrer dans le pays à l’insu des autorités.
Après son discours de dimanche, la police s’est mise immédiatement à la recherche de l’avocat fra,ças qui reste depuis introuvable. « Il est parti serein, déterminé à défendre Ousmane Sonko. Pour lui, c’est sa mission. Peu importent les conséquences. Maintenant, il doit changer sans cesse de lieu pour ne pas se faire repérer », a affirmé l’entourage de Juan Branco au Monde.
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Source: Le HuffPost