en Ukraine, l'enjeu stratégique de l'approvisionnement en eau près de la ligne de front

May 03, 2023
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Si le réseau d’eau Voda Donbass dans l'est du pays est toujours opérationnel, malgré la guerre en Ukraine, c'est notamment dû à l'action des démineurs. Près du front, certaines infrastructures sont encore piégées. Illustration dans une station de pompage près de Lyman.

La station de pompage surplombe la rivière Seversky Donets. Les tuyaux courent d’un bâtiment à l’autre, d’ici part l’eau potable pour les villes de Kramatorsk, Sloviansk et Droujkivka, un bassin de 300.000 habitants avant-guerre. L'approvisionnement n’a jamais lâché alors que certaines infrastructures se sont retrouvées sur la ligne de front et en portent encore les marques de cette guerre en Ukraine. "On arrive à produire 30.000 m3 d’eau potable par jour avec le puit artésien", explique Guénadi, ingénieur, conscient d'avoir une grande responsabilité sur les épaules. J’ai 22 pompes, je les allume pour remplir le réservoir, là j’en ai fait tourner quatre, et dans deux jours, elles fourniront 6.000 mètres cubes."

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Guénadi ingénieur à la station de pompage près de Lyman et l'unité de déminage, le 2 mai 2023. (MATHILDE DEHIMI RADIO FRANCE)

Jusqu’en septembre, la rivière était la ligne de démarcation. "En arrivant ici, témoigne Guénadi, on risquait de tomber sur des saboteurs. Alors au début, j’étais toujours accompagné de trois, quatre soldats, on pouvait aller travailler en bas et eux ils nous protégeaient." Les Ukrainiens tentent de déminer cette station de pompage piégée par les Russes, près de Lyman. Le site est stratégique, les soldats russes ont assuré leur départ raconte cet ingénieur. "Regardez ici, il y avait des fils pièges, là-bas, ça a explosé. En s’approchant, on a pu détecter ici le fil piège, une grenade y était pendue, tout était miné".

C’est la cinquième équipe de démineurs qui passe. Le travail est minutieux. "Je passe le détecteur à métal, explique Maxime, l'un d'entre eux. S’il réagit, je sonde avec un pic pour voir si c’est un explosif ou un éclat en métal." Les cinq démineurs se concentrent en silence alors que les combats se poursuivent au loin. Dmytro le chef d’équipe les observe progresser.

"Après la chute de l’URSS, ils ont stocké leurs vieilles munitions soviétiques au dépôt. Ils s’en servent aujourd’hui, souvent, elles n’explosent pas, et si on les bouge. C'est la détonation!" Dmytro chef d'une équipe de démineurs franceinfo

L’opération est délicate. "Si un obus d’artillerie n’a pas éclaté, on y met un pain d’explosif, décrit Dmytro. On le détruit en s’éloignant à bonne distance Si c’est du petit calibre, on se met pour se protéger à 200 mètres mais si c’est du calibre 152, il faut deux kilomètres pour être en sécurité. "On se dit toujours que le mieux c’est de trouver les engins explosifs, avant qu’ils ne nous trouvent." Un peu d’humour et de fatalisme, en deux heures l’équipe a progressé lentement et sécurisé une petite bande sans trouver d’engins explosifs cette fois. Les autorités ukrainiennes estiment qu’il faudra 30 ans pour déminer le pays.

Démineurs au travail à la station de pompage située près de Lyman, le 2 mai 2023. (MATHILDE DEHIMI / RADIO FRANCE)

Source: franceinfo