Bourse : une hausse des actions dans le vide fondamental

May 04, 2023
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Eric Galiègue Valquant Expertyse Président

(Crédits photo : Adobe Stock - )

Le CAC 40 reste accroché à ses plus hauts et ne veut pas en descendre. Sa performance depuis 7 mois est parmi les plus importantes jamais observée : +30%. Qu'est ce qui explique ce mouvement ? Peut-il durer ? Explications

Source : Factset et Valquant Expertyse

Le CAC 40 tutoie un plus-haut historique récemment atteint. L'indice des grandes valeurs françaises a grimpé de 30% en septe mois. Comme l'euro a progressé de 11% sur la même période, l'investisseur américain qui a eu la bonne idée de convertir ses dollars en euro pour acheter des actions françaises vers le 20 octobre 2022, a gagné plus de 40%. Ça valait le coup de traverser l'Atlantique…

Les raisons de cette hausse sont connues ; elles sont essentiellement macroéconomiques : il y a 7 mois, l'hypothèse d'une récession était dominante. Les risques de coupure de gaz et de baisse profonde du PIB allemand étaient considérés comme élevés. La Chine était toujours en pleine politique de « zero Covid », et le cycle de relèvement des taux accompagnait une inflation croissante.

Aujourd'hui la peur de la récession a totalement disparu, le gaz est surabondant et ses prix se sont écroulés, la Chine a réouvert son économie et a publié cette semaine une croissance de 4,5% de son PIB au premier trimestre, et on envisage que la prochaine hausse des taux de la Fed sera la dernière. Ces éléments de contexte macroéconomique général vont effectivement dans le bon sens, et le marché se devait de les saluer. Notamment en Europe, où se formaient les scenarii les plus sombres.

Une hausse "triste"

Nous pensons que cette hausse est excessive, au regard de la dégradation des paramètres de la valeur des actions ; c'est peut-être ce qui explique la tristesse dans laquelle se développe cette hausse, ou le sentiment de culpabilité qui l'accompagne. L'évaluation des actions combine essentiellement trios paramètres : les taux d'intérêt, le niveau des bénéfices, et le risque.

Le premier paramètre de la valeur des actions, c'est le niveau des taux d'intérêt « sans risque », souverain. Celui-ci a légèrement progressé depuis 7 mois, car naturellement l'éloignement du risque récessif limite la baisse potentielle des taux et surtout rend plus probable le maintien de l'inflation à un niveau largement supérieur à la cible des banques centrales. Le taux des OAT à 10 ans valait 2,8 % le 20 octobre dernier, et 3% aujourd'hui.

Source : Factset et Valquant Expertyse

Le second paramètre de la valeur des actions est le bénéfice anticipé par les analystes. L'indice prospectif de bénéfice a baissé de plus de 4% en 7 mois, en raison de révision négative des anticipations des analystes du consensus. Certes, il ne s'agit pas d'un effondrement des prévisions de bénéfice, même si l'inflation des prix et notamment des chiffres d'affaires des entreprises a atteint 3 à 4% sur la période. En termes réels, inflation déduite, les révisions de bénéfices sont encore plus négatives ; en d'autres termes les marges ont été révisées en plus forte baisse que le bénéfice par action

Source : Factset et Valquant Expertyse

Le troisième paramètre de la valeur des actions est le risque. Les analystes le prennent en compte dans l'évaluation, en additionnant une prime de risque au taux d'intérêt. Le niveau de risque s'est détendu dans la sphère réelle. La conjoncture économique est molle, mais pas récessive, et le risque de récession semble aujourd'hui faible.

Le risque demeure significatif au niveau des prévisions de bénéfice 2023. La saison des bénéfices a commencé aux USA, et si le soulagement a été de mise pour les bancaires il n'en est pas de même pour de nombreuses sociétés. Au chapitre politique et géopolitique des risques, la situation nous semble exactement la même, avec la confrontation de plus en plus évidente des USA et ses alliés avec La Chine et ses alliés émergents.

Dans la sphère financière, les risques demeurent importants. Au niveau bancaire, la crise «flash» de la SVB et du Credit Suisse peut se reproduire du jour au lendemain. Au niveau financier, le retour à la normale caractérise le marché de crédit. Le marché immobilier s'ajuste aux nouvelles conditions de financement et de couts des matériaux de construction, mais ne d'effondre pas. Au total, nous considérons que les risques sont globalement stables depuis 6 mois.

La hausse très importante du prix des actions depuis 7 mois a été accompagnée par une légère dégradation de leur valeur, et par une hausse du taux de change de l'euro, qui défavorise les entreprises.

Cette hausse «dans le vide fondamental» nous conforte dans une position d'autant plus prudente que la saisonnalité des marchés, très favorable d'octobre à avril, s'inverse lorsque vient le mois de mai.

Source: Boursorama