"Être en capacité de": ne faites plus la faute!

May 04, 2023
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La formule fait florès dans l’usage courant. Elle s’est substituée au verbe «pouvoir» ainsi qu’aux expressions «être capable, avoir la capacité de». À raison?

Vous l’avez probablement remarqué, la mode est à l’euphémisme. Il suffit de tendre l’oreille un instant pour s’apercevoir que l’on désigne de moins en moins les choses par leur nom. La «mort» est devenue la «disparition», l’«aveugle» un «non-voyant», de même que l’on ne parle plus de «pouvoir», mais d’«être en capacité de». Et l’épidémie semble avoir touché tout le monde. Le 30 avril, après un entretien téléphonique avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, le président de la République disait avoir «fait état de la coordination européenne en matière d’assistance militaire afin d’être en capacité de répondre aux besoins de l’Ukraine sur la durée».

Mais que reproche-t-on à ce «pouvoir», qui signifie à l’origine «avoir la force, la possibilité de»? Le fait qu’il désigne également la «puissance», l’«autorité», le «droit de commander»? Ce terme n’est-il pas assez technocrate pour que, du bureau à l’administration, il soit remplacé par «être en capacité de»?

Anglicisme

Emprunté au latin classique «capacitas» («qui peut contenir, qui contient»), le mot «capacité» naît au XIVe siècle en français. Ainsi qu’on peut le lire dans le Trésor de la langue française , le substantif désigne d’abord la «propriété de contenir une certaine quantité de quelque chose», avant de prendre le sens de «faculté de comprendre ou de faire quelque chose». C’est ainsi que l’emploie Henry de Montherlant, en 1924. Dans Les Olympiques, il écrit: «Vivons sur ce qui est, non sur ce qu’il serait beau qui fût. Nous savons ce que nous pouvons demander à nos capacités dans le jeu, et ne cherchons pas à nous bluffer là-dessus.»

L’expression « in the capacity of » (« en capacité de »), forgée sur le modèle d’« in charge of » (« en charge de »), a fait son apparition dans le milieu de l’entreprise.

C’est au XVe siècle que le mot traverse la Manche. En anglais, «capacity», de même sens, devient synonyme d’«ability». On l’utilise de la même manière dans la langue de Shakespeare que dans la langue de Molière, comme on le voit dans l’Online Etymology Dictionary . «Have a capacity for doing something» se dit autant qu’«avoir la capacité de faire quelque chose». Mais depuis plusieurs années, l’expression «in the capacity of» («en capacité de»), forgée sur le modèle d’«in charge of» («en charge de»), a fait son apparition dans le milieu de l’entreprise. Et nous avons eu la brillante idée de l’importer en français.

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Désormais «être en capacité de» se dit à tort et à travers en lieu et place d’«avoir la capacité de». Paradoxe intéressant, l’anglicisme séduit jusque dans les sphères de «pouvoir». Plutôt que de dire «être en capacité de répondre aux besoins de l’Ukraine», il eût fallu qu’Emmanuel Macron dise «pouvoir/être capable/avoir la capacité de répondre aux besoins de l’Ukraine».

Source: Le Figaro