Au Royaume-Uni, la pièce d’identité pour voter fait craindre une abstention massive aux élections

May 04, 2023
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Daniel Harvey Gonzalez / In Pictures via Getty Images Daniel Harvey Gonzalez / In Pictures via Getty Images

ROYAUME-UNI - Pour voter lors du scrutin local organisé ce jeudi 4 mai en Angleterre, les électeurs devront pour la première fois montrer une pièce d’identité avec leur photo, un changement inédit qui rencontre une opposition féroce.

Introduit par les conservateurs au pouvoir dans une loi adoptée l’année dernière, ce changement vise à lutter contre la fraude, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays européens. Un large éventail de documents est accepté, du passeport au permis de conduire, en passant par la carte de bus pour les seniors.

Favoriser les conservateurs

Mais dans un pays où la carte d’identité nationale à la française n’existe pas et où on vote en donnant simplement son nom oralement, les opposants y voient un frein au vote destiné à favoriser les conservateurs.

Le scrutin de ce jeudi est le premier depuis l’arrivée au pouvoir fin octobre du Premier ministre Rishi Sunak. Plus de 8 000 sièges sont en jeu dans 230 collectivités locales à travers l’Angleterre.

À la peine, les conservateurs risquent des pertes importantes au profit de l’opposition travailliste et libérale-démocrate, selon un sondage YouGov publié la semaine dernière.

Crédités d’une avance confortable en vue des prochaines élections législatives prévues d’ici un an et demi, les députés travaillistes ont été parmi les plus critiques envers cette nouvelle exigence.

Aucune preuve de fraude électorale à grande échelle

Ils dénoncent une décision des conservateurs visant à contrer leur avance plutôt qu’à résoudre une difficulté existante. Il n’y a aucune preuve de fraude électorale à grande échelle, selon la Commission électorale, organisme indépendant qui supervise les élections.

Elle recense 1 386 signalements à la police ces cinq dernières années, qui ont conduit à neuf condamnations. « Les pièces d’identité pour les électeurs ont toujours été une solution en quête d’un problème », a récemment estimé le député travailliste Alex Norris.

De son côté, le gouvernement met en avant une étude selon laquelle 98% des électeurs ont au moins l’une des pièces acceptées.

Un « danger clair pour la démocratie »

Rishi Sunak a défendu le mois dernier un changement « raisonnable », soulignant qu’un tel processus est « très commun dans bien des endroits ». Les opposants objectent qu’environ deux millions de personnes ne disposaient pas des documents requis quand la loi est passée, et parmi eux, moins de 90 000 ont demandé à se faire délivrer le certificat destiné à pallier leur absence.

Tom Brake, du groupe UnlockDemocracy, critique une nouvelle disposition qui représente un « danger clair pour la démocratie ».

Le groupe a remis à Downing Street le mois dernier une pétition qui a recueilli 119 000 signatures, exhortant le gouvernement à renoncer.

« Jamais auparavant autant de monde risque de se voir refuser de voter, soit parce qu’ils n’ont pas la pièce d’identité, ou tout simplement parce qu’ils oublieront de la prendre avec eux », avance Tom Brake.

Un « changement important » préparé « depuis des mois »

Parmi les critiques, le risque que les jeunes soient touchés de manière disproportionnée, la Commission électorale ayant observé qu’environ deux tiers des 18-24 ans sont au courant des nouvelles règles.

« C’est un changement important », mais qui a été préparé « depuis des mois pour que cette nouvelle politique puisse être bien mise en œuvre », a déclaré son directeur de la communication, de la politique et des recherches Craig Westwood.

Certains dans les bureaux de vote ont fait part de leurs inquiétudes. « Les collectivités locales travaillent jour et nuit », a déclaré à l’AFP Kevin Bentley, de la Local Government Association, qui les représente.

« On ne doit pas sous-estimer l’effort pratique pour mettre en œuvre ce changement dans un délai si court », a-t-il ajouté, mettant en avant la nécessité d’informer le public et le risque que les bureaux de vote se retrouvent submergés, alors que la participation pour ce type de scrutin tourne généralement autour des 40 %.

Tout comme les plus critiques, il espère que les leçons seront prises avant les législatives, où les difficultés comme les enjeux seront autrement plus importants.

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Source: Le HuffPost