Pesticides dangereux pour les abeilles : les inspecteurs de l’environnement priés de ne pas contrôler les arboriculteurs

May 05, 2023
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Traitement fongicide de pommiers le 20 avril 2010. CHRISTIAN WATIER / COLLECTION WATIER / MAXPPP

Les inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité (OFB) oscillent entre « incompréhension » et « colère ». Motif de leur courroux : la direction de l’OFB, le « gendarme » de l’environnement, leur demande, dans le cadre de leur mission de protection des pollinisateurs, de s’abstenir de contrôler les arboriculteurs pour vérifier qu’ils n’abusent pas de pesticides pendant la période de floraison. « C’est incompréhensible, notre direction nous donne pour instruction de ne pas appliquer la réglementation !, s’étrangle un inspecteur sous le couvert de l’anonymat. On peut contrôler Pierre qui fait du colza, Paul qui fait du tournesol, mais pas Jacques qui fait des pommes, alors que c’est précisément l’arboriculture qui utilise le plus de traitements. »

Dans une note de service datée du 20 avril, que Le Monde s’est procurée, la direction de la police de l’OFB précise la « conduite à tenir » pour les missions de police judiciaire relatives au non-respect des interdictions prévues par l’arrêté « abeilles » pris en novembre 2021 dans le but de renforcer la protection des pollinisateurs. Jusqu’à présent, les missions des agents de l’OFB étaient, s’agissant des pesticides, limitées au contrôle de leurs usages à proximité de ressources en eau. L’arrêté « abeilles » les étend à la protection de la biodiversité.

La principale « arme » des enquêteurs de l’OFB est la « constatation en flagrance » : le flagrant délit d’épandage de pesticides dangereux pour les pollinisateurs sur des cultures en fleur, certains d’entre eux pouvant être utilisés sur des plages horaires limitées à deux heures avant et trois heures après le coucher du soleil. La note du 20 avril prévoit bien des enquêtes sur la base de « constatation en flagrance » pour les champs de colza et de tournesol, mais pas pour l’arboriculture. « S’agissant spécifiquement des pulvérisations par les arboriculteurs, les services déconcentrés vont, à la demande du MASA [ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire], engager en 2023 une campagne de sensibilisation-contrôles afin de vérifier la bonne appropriation de cette nouvelle réglementation par ces derniers », précise la note. Exit, donc, les constatations en flagrance à l’initiative des inspecteurs de l’OFB qui permettaient à la justice d’ouvrir des enquêtes.

« Que l’organisme dont la mission est de protéger l’environnement demande à ses services de ne pas effectuer de contrôles, c’est scier les pattes à l’institution judiciaire. En leur exhortant de ne plus prendre d’initiatives, on nous prive d’affaires, résume un procureur chargé des affaires liées à l’environnement. Ce n’était pas la peine de créer des parquets spécialisés en environnement si on ne peut plus faire de constats d’infraction en nous appuyant sur l’irremplaçable connaissance réglementaire et du terrain des inspecteurs de l’OFB. » Des parquetiers ne cachent pas leur sidération. « Cette faveur est totalement inexplicable, si ce n’est que les arboriculteurs ont visiblement une capacité à susciter la clémence des autorités supérieure à notre faculté à faire respecter la loi pénale », observe l’un d’eux.

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Source: Le Monde