Camilla, avant de devenir reine, a dû faire face à des années d’attaques sexistes
Samir Hussein / WireImage, Samir Hussein / WireImage,
FAMILLE ROYALE - Briseuse de ménage, marâtre, vieille peau, rottweiler… Pendant des années, les qualificatifs utilisés par la presse et l’opinion publique pour décrire Camilla Parker-Bowles étaient plus dignes d’une méchante de contes de fées que d’une personne bien réelle. Adoubée « femme la plus détestée du Royaume-Uni », la maîtresse du prince Charles était la « méchante sorcière de l’Ouest ». Qu’elle puisse un jour devenir reine était une éventualité inenvisageable.
« C’est une remontada incroyable », s’émerveille Adélaïde de Clermont-Tonnerre, directrice de la rédaction de Point de Vue, alors que Camilla s’apprête à être couronnée aux côtés du roi Charles III ce samedi 6 mai à Westminster. Mais avant d’effectuer cette « remontada », l’Anglaise a d’abord dû faire face à des années d’attaques sexistes.
« L’ennemie de la sainte, c’est la sorcière »
Si Camilla a été transformée en sorcière par les médias et l’opinion, c’est avant tout parce qu’elle était perçue comme l’ennemie d’un autre cliché de contes de fées : Diana était littéralement une princesse. Son mariage avec le prince Charles était « féerique » et « parfait », selon la presse de l’époque – robe meringue, traîne de huit mètres de long et diadème inclus.
« Diana a été sanctifiée, estime Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Sa mort et sa souffrance l’ont d’autant plus sanctifiée. Le fait qu’elle soit la femme abandonnée, trompée… les gens se sont complètement identifiés à elle. Et elle avait ce côté magique et incroyablement empathique qui fait que toute l’opinion publique en a fait une sainte. Forcément, l’ennemie de la sainte, c’est la sorcière. »
« Plus les gens aimaient Diana, plus ils en voulaient à Camilla, qui était perçue comme une menace envers la princesse et son mariage », ajoute Lauren Rosewarne, professeure à l’Université de Melbourne en sciences politiques et sociales et autrice d’un article de recherche sur le traitement médiatique de Camilla.
Pas assez innocente et pure
À l’époque de la « guerre » entre le prince et la princesse de Galles, le ressentiment envers la maîtresse de Charles était tel qu’elle aurait été bombardée de petits pains en sortant d’un supermarché. « Évidemment, cette rhétorique était extrêmement sexiste, affirme Lauren Rosewarne. Charles est présenté comme une victime sans défense de sa propre libido, tandis que Camilla est la tentatrice qui l’a détourné du droit chemin. »
Car une autre opposition se retrouve à l’époque dans le discours sur Diana et Camilla : « Pour parler un peu crûment, il y avait aussi ce très vieil antagonisme de la vierge et la putain », analyse Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Si Camilla n’avait pas été considérée comme une candidate crédible pour épouser le prince Charles au moment de leur rencontre, c’est justement parce qu’elle n’était plus vierge. Tandis que Diana, qui n’avait que 20 ans le jour de son mariage, exhalait la pureté et l’innocence, Camilla se flattait de sa filiation avec une ancienne maîtresse du roi Édouard VII et se livrait à des conversations téléphoniques coquines - et très… anatomiques - avec un Charles déjà marié.
« Vieille truite », « vieille chaudière »...
Mais ce que la presse a le plus attaqué chez « l’autre femme » de la vie du prince de Galles, c’est son apparence physique. Comment le futur roi, marié à l’une des femmes les plus belles et les plus élégantes du monde, pouvait-il lui préférer une maîtresse plus âgée, qui ne semblait pas prêter attention à son apparence et dont le visage était constamment comparé à celui d’un cheval ? Sans pitié, la presse a tour à tour qualifié Camilla de « vieille truite », « vieille chaudière », « harpie au visage dur », « vieille peau usée », « princesse post-ménopausée » ou encore de « vieux sac ».
« La société a l’habitude du scénario où un homme d’apparence banale est en couple avec une femme plus jeune et plus classiquement belle, analyse Lauren Rosewarne. Après tout, c’était le cas de Charles et Diana. Mais qu’il soit avec une femme ‘plus vieille’ remet en cause ce modèle. C’était un prince, l’héritier du trône, il aurait pu avoir n’importe qui, mais il a choisi une femme qui ne se conforme pas aux attentes. Le sexisme est là aussi : dans le préjugé selon lequel une femme n’a de valeur qu’à travers sa jeunesse et sa beauté. »
Si les attaques sur le physique de Camilla se poursuivent encore aujourd’hui – dans une récente chronique sur RTL, Philippe Caverivière la comparait par exemple à « Michel Houellebecq avec un diadème et une robe bleue » – son image a assez changé au cours de ces vingt dernières années pour qu’elle réussisse l’exploit de se faire accepter comme reine du pays qui l’a tant détestée.
Réhabilitée à travers des valeurs très tradi
Alors, icône féministe, Camilla ? Pas si vite. Pour Lauren Rosewarne, « rejeter un ensemble de stéréotypes et de préjugés sociaux ne suffit pas à en faire une figure féministe ». D’ailleurs, la réhabilitation de la nouvelle reine s’est surtout faite à travers la tradition. « On n’a jamais entendu le début d’une plainte de la part de Camilla sur ce qu’elle a traversé, souligne Adélaïde de Clermont-Tonnerre. On s’est aperçu qu’elle avait beaucoup des qualités traditionnelles de la famille royale, à savoir résilience, endurance, discrétion. »
Et si son sens de l’humour et son travail caritatif sur des sujets comme les violences conjugales, le viol, l’ostéoporose ou l’alphabétisation ont été remarqués, c’est surtout à travers sa relation tenace avec Charles qu’elle a fini par convaincre. « Quand on fait le point après toutes ces années, c’est vraiment une histoire d’amour extraordinaire », estime le commentateur britannique spécialiste de la famille royale Richard Fitzwilliams. « Tout le monde reconnaît qu’elle a été merveilleuse avec Charles. Dans ce malheureux enregistrement [ndlr. une conversation intime entre le prince et Camilla, où il imaginait être un tampon qui vivrait à l’intérieur de sa culotte, avait été diffusée dans la presse dans les années 90], elle avait dit ‘je traverserai tout pour toi’ et elle le pensait vraiment. »
« Elle a cette modestie, qui était celle du prince Philip, de se mettre au service de son conjoint, ajoute Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Ce n’est peut-être pas très moderne, mais à l’époque de la reine, c’est un homme qui l’a fait pour une femme. Là, on revient dans un schéma plus classique. »
Un sexisme toujours bien présent
On aurait pu espérer, après ces années anti-Camilla, voir une remise en question de la presse tabloïd ou de la tendance généralisée à réduire les femmes à des stéréotypes. À voir la couverture médiatique réservée à Meghan, et parfois à Kate, il y a de quoi en douter.
« Quand on disait que Kate et Meghan se disputaient, c’est tout juste si elles ne se tiraient pas les cheveux pour se piquer leur diadème, c’était parfaitement sexiste, se souvient Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Le terme de ‘megxit’, aussi, et dire que le fait que le prince Harry sorte de la famille royale est exclusivement dû à Meghan : ce n’est pas vrai. C’est un grand garçon, il connaît ce monde dix fois mieux qu’elle, c’est une décision de couple. Mais il y a un fond de misogynie dans la culture occidentale qui fait que dès que quelque chose ne va pas, c’est forcément la faute d’une femme. »
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Source: Le HuffPost