Ces candidats bretons aux grandes écoles " écœurés " de la perte des copies

May 05, 2023
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Pierre Tanter, 20 ans, est élève en khâgne au lycée de Kerichen, à Brest. Le candidat aux Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) soufflait pour quelques jours de vacances, lorsqu’il a appris la nouvelle, partagée par le centre coordinateur de la banque d’épreuves littéraires, jeudi 4 mai 2023. « Une enveloppe de copies de l’épreuve de composition française n’est pas parvenue au service Admission et concours de l’ENS de Lyon ».?

Comme les 4 400 étudiants de prépa littéraire qui ont planché pendant six heures sur une citation de Proust, le 13 avril, le Finistérien devra repasser l’épreuve de français le samedi 13 mai. « Ça m’a franchement énervé que des copies puissent se perdre comme ça ! Il y a comme un décalage entre l’École normale supérieure, censée représenter l’élite de la nation, et l’amateurisme qu’on ressent aujourd’hui ».

Ça m’a franchement énervé que des copies puissent se perdre comme ça ! Il y a comme un décalage entre l’École normale supérieure, censée représenter l’élite de la nation et l’amateurisme qu’on ressent aujourd’hui

Pierre Tanter devra lui aussi repasser une deuxième fois les six heures de français du CPGE (concours préparatoire des grandes écoles) le samedi 13 mai 2023. « Tout ça pour un manque de rigueur d’une institution censée représenter l’élite de la Nation. Je suis énervé ! » (Le Télégramme/Pierre Tanter)

Des larmes et de la colère

Pierre digère d’autant plus mal que c’est le deuxième couac qu’il subit depuis la semaine de concours, du 11 au 18 avril. « L’épreuve de spécialité géographie a été repoussée de dix jours, parce que des sujets avaient été ouverts par erreur. On l’a su la veille ». Sa camarade Erell Cabon, qui se reposait au Conquet (29), trouve, elle aussi, très dur de remettre le nez dans ses révisions. « Le français est une épreuve exigeante, pour laquelle on a tous fait beaucoup d’efforts et de sacrifices. C’était nos premières vacances, j’avais clos ce chapitre et il faut tout reprendre. Je suis résignée mais très en colère ! »

Même sentiment pour la Rennaise Léna Monfort, élève de khûbe (3e année), au lycée Renan, à Saint-Brieuc.? « Quand j’ai appris que nous étions reconvoqués, j’ai pleuré. C’est déjà suffisamment difficile de faire une année supplémentaire… » Léna jongle aujourd’hui entre les candidatures pour préparer le plan B du master et la reprise des révisions. « J’ai l’impression d’être tiraillée dans tous les sens », déplore l’étudiante.

C’est un peu le cauchemar de quiconque passe des concours. D’autant que cette épreuve a le plus gros coefficient

Comme tous les candidats de 2e année (khâgne) en classe préparatoire littéraire, la Brestoise Erell Cabon se désole de devoir repasser une deuxième fois l’épreuve écrite de français, le 13 mai 2023. « C’est très dur moralement. J’ai l’impression d’être le dindon de la farce ». (Le Télégramme/Erell Cabon)

« Je n’ai jamais vu ça »

Contactée, l’ENS indiquait, ce vendredi, que la décision a été « très compliquée à prendre ». « Il aurait été infiniment plus simple de faire uniquement repasser l’épreuve aux personnes dont la copie a été perdue. Mais nous devons sécuriser la légalité du concours. Trois des écoles concernées accueillent des fonctionnaires stagiaires, et les règles de recrutement dans la fonction publique sont extrêmement strictes : tous les candidats doivent être évalués sur un même sujet ».

À Brest, le proviseur du lycée La Pérouse-Kerichen, Olivier Champeau, a adressé un mot d’encouragement aux 96 candidat(e)s, dont il comprend le désarroi. « Cette situation est rarissime, je n’ai jamais vu cela en dix ans. Mais le mal étant fait, repasser l’épreuve de français me semble l’option la moins dommageable ».

Il aurait été infiniment plus simple de faire uniquement repasser l’épreuve aux personnes dont la copie a été perdue. Mais nous devons sécuriser la légalité du concours

« Quand j’ai appris que nous étions reconvoqués, j’ai pleuré. C’est déjà suffisamment difficile de faire une année supplémentaire… », confie Léna Monfort. (Source : Léna Monfort)

« Pas de quoi être rassurés »

Coordinatrice des khâgnes à Saint-Brieuc, Sylvie Dervaux explique, elle, s’être retrouvée, jeudi matin, face à des élèves « visages plombés, en colère, découragés ». « C’est un peu le cauchemar de quiconque passe des concours, réagit la prof de français. D’autant que cette épreuve a le plus gros coefficient ». Au-delà du « choc psychologique », elle déplore aussi les contraintes matérielles et financières pour les candidats, notamment ceux (une dizaine pour ce centre d’examen) venus de plus loin.

Papa d’une élève brestoise, Eozen Godec se dit aujourd’hui « écœuré et furieux face à un tel manque de respect ». Il comprend mal qu’une solution alternative n’ait pas été proposée : « Ces deux années de prépa sont infernales. Ma fille s’était accordée quelques jours de vacances pour décompresser, avant de se remettre au travail avant les oraux. Elle est totalement déprimée et n’aura même pas pu en profiter. Si c’est comme cela que l’ENS traite ses futurs élèves, il n’y a pas de quoi être rassuré ».

Source: Le Télégramme