Manifestation du 1er-Mai à Grenoble : "Jamais on n'avait vu de telles violences", deux hommes condamnés à 4 et 6 mois de prison ferme

May 06, 2023
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Deux hommes de 20 et 24 ans, jugés en comparution immédiate, ont été condamnés à 4 et 6 mois de prison ferme, notamment pour violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique en marge de la manifestation du 1er-Mai à Grenoble. Ils effectueront leur peine sous bracelet électronique.

"Révolution, à fond la forme". Une centaine de personnes partent en cortège sauvage derrière une large banderole - au slogan emprunté à une enseigne sportive - en quittant l’anneau de vitesse. Parmi elles, beaucoup ont le visage masqué et se dirigent vers un petit groupe de policiers dans le parc Paul Mistral à Grenoble.

La manifestation déclarée du 1er-Mai vient de se terminer dans le calme. A quelques mètres de son point d’arrivée, la situation se tend et les grenades lacrymogène fusent. Cinq manifestants et deux policiers sont blessés au cours des affrontements, en début d'après-midi. Dans la confusion, un homme est arrêté.

Mathieu C., 24 ans, est à terre lorsque les fonctionnaires l'interpellent. Il était jugé en comparution immédiate ce vendredi 5 mai pour des violences commises sur des policiers au cours de la manifestation sauvage. Le jeune homme, cheveux noirs et traits fins, aurait notamment infligé un coup de pied à une policière. Celle-ci souffre d’une sérieuse entorse du genou et d'une lésion au ménisque.

"On a tout fait pour éviter la confrontation, assure la fonctionnaire, arrivant en béquilles à la barre du tribunal. À ce moment là, ils voulaient casser du flic." Tentant de barrer la route au cortège sauvage qui prend la direction du centre-ville, le petit groupe de policiers de la BAC perd rapidement le contrôle. Ils sont six contre une cinquantaine d’individus "déterminés", dont certains leur jettent des projectiles.

Plus d'une centaine de manifestants étaient présents devant le palais de justice de Grenoble vendredi 5 mai pour la comparution de deux jeunes hommes condamnés pour des violences sur des policiers. • © Margot Desmas / France 3 Alpes

Les prévenus nient leur implication

"Je n’ai pas commis de violences et je n’ai certainement pas frappé de fonctionnaire de police", affirme d’emblée le prévenu au casier judiciaire vierge, d'une voix à peine audible. Les policiers présents affirment toutefois l’avoir reconnu. Lui qui portait bonnet et masque de ski pour, dit-il, se protéger du gaz lacrymogène.

Diplômé d’une école d’ingénieur, réalisateur d’un court documentaire sur la fonte des glaciers, il reconnaît simplement qu'il aurait dû s'extraire "plus tôt" du cortège. A ses côtés dans le box des prévenus, Yovan C. nie lui aussi être l'auteur des faits qui lui sont reprochés. L'étudiant de 21 ans comparaît pour des violences sur des policiers, soupçonné de leur avoir lancé des pierres.

Lui a été interpellé après la dispersion du cortège sauvage, dans le qurtier de l'Aigle, alors qu'il rentrait chez lui. Confondu par la description établie par les fonctionnaires, sa tenue et la présence de boue sur ses vêtements. Autour du jeune homme, contrôlé par les forces de l'ordre, un groupe de jeunes gens protestent et filment son interpellation.

Jamais on n'avait vu de telles violences en marge de manifestations à Grenoble. Procureure générale

Il est finalement placé en garde à vue avant d'être écroué au centre de détention de Varces, comme son co-prévenu. "Je reconnais uniquement avoir été présent sur les lieux", murmure-t-il, se disant "curieux de ce qu'il s'y passait". Tous deux affirment être étrangers à la mouvance des black bloc même si, pour l'accusation, leur profil démontre le contraire.

"Des gens qui ont fait de telles études y sont certainement venus par une forme de conviction", soutient le ministère public qui requiert 2 ans de prison dont un avec sursis à l'encontre de Yovan C. et 3 ans dont 18 mois avec sursis pour Mathieu C. - qui a de surcroît refusé de se soumettre aux prélèvements biologiques et aux relevés d'empreintes. "Jamais on n'avait vu de telles violences en marge de manifestations à Grenoble", assène encore la magistrate.

"Tribunal politique"

Les familles des prévenus affichent des visages fermés quand la défense vient pointer une procédure problématique et demande la relaxe. "Comment peut-on s'imaginer qu'il est l'auteur des faits, questionne Me Elsa Ghanassia, l'avocate de Yovan C., décrivant un jeune homme bien inséré. Les violences, ce n'est pas possible. Rien ne le montre dans le dossier. C'est raté."

Face à des réquisitions "extrêmement hautes" et l'absence de "certitudes ou d'éléments objectifs", Me Céline Roux plaide également la relaxe pour son client, Mathieu C. "On vous demande d'être un tribunal médiatique, un tribunal politique, en envoyant ces deux jeunes gens en détention", argue-t-elle.

Les manifestants ont appelé à laisser entrer des membres de la famille des prévenus dans l'enceinte du palais de justice de Grenoble. • © Margot Desmas / France 3 Alpes

Une centaine de manifestants issus de nombreuses mouvances ont pour leur part campé devant l'entrée du palais de justice tout l'après-midi, se voyant refuser l'entrée par crainte de "trouble à l'ordre public". Beaucoup dénoncent le "durcissement de la répression" lors des dernières mobilisations contre la réforme des retraites et craignent que ce procès fasse figure d'"exemple" pour faire plier le mouvement.

Les réseaux sociaux ont vu fleurir des appels à témoignages, à partager des vidéos dans l'espoir de disculper les deux mis en cause et "éviter de fausses accusations".

En début de soirée, les deux prévenus ont été reconnus coupables de l'intégralité des faits qui leur étaient reprochés. Mathieu C. a été condamné à 6 mois de prison ferme et 8 mois avec sursis, Yovan C. à 4 mois de prison ferme et 6 mois avec sursis. Ils effectueront leur peine sous bracelet électronique. Tous deux ont interdiction de manifester pendant trois ans.

Source: France 3 Régions